Combien d’heures devrions-nous travailler pour supprimer le chômage ?

La réduction de la durée légale du temps de travail apparaît désormais comme la seule solution envisageable pour en finir avec le chômage. Tandis que les écologistes et la France Insoumise proposent de la réduire à 32 heures, Michel Rocard et Pierre Larrouturou proposent la semaine de 4 jours[1]. Puisqu’en 1981 la durée moyenne du temps de travail était de 39 heures, ces propositions auraient dû être mises en œuvre dès 1982. En 2013, la durée moyenne étant de 34 heures, fixer la durée légale à 32 heures permettrait à peine d’enrayer la hausse du chômage. Même si elle permettait de créer 2,8 millions d’emplois[2], il resterait encore une armée de réserve de 4,2 millions d’actifs sans emploi et de salariés à temps partiel « subi » pour exercer une pression sur les salariés en postes. Pour en finir définitivement avec le chômage et la peur du chômage, il est donc nécessaire de créer 7 millions d’emplois sécurisés et stables.

  • Le calcul du nombre d’heures qu’il faudra travailler pour en finir avec le chômage.

Pour créer 7 millions d’emplois, je propose de partager le volume total d’heures de travail effectué par les salariés qui occupent un emploi à temps plein entre tous les membres de la population active. L’équation ci-dessous permet de calculer la durée du temps de travail hebdomadaire qui supprimera le chômage.

– Soit, Pop est la population totale : 65 899 406 hab[3].
– « , TPa est le taux population comprise entre 15 et 59 ans : 57,57 %[4].
– « , E est le nombre élèves second cycle et étudiants : 5 317 800[5].
– « , VHtb est le volume total heures travaillées par branche : 40 271 480 379[6].
– « , S est le nombre semaines annuelles : 52 semaines.
– « , Dh est la durée temps travail hebdomadaire supprimera chômage.

En 2013, comme 57,6 % des 65,8 millions de Français avaient entre 16 à 59 ans, la population active comprenait 37,9 millions de personnes. Composée de 5,3 millions d’élèves et d’étudiants, elle comprenait 32,6 millions d’actifs. Si ces actifs se partageaient les 40,2 milliards d’heures, ils travailleraient 1 235 heures par an. Les 1 235 heures de travail étant réparties sur 52 semaines, la durée du temps de travail hebdomadaire qui supprimera le chômage (Dh) est donc de 23,7 heures.

– Soit, JRLh est le nombre jours repos légaux hebdomadaires : 2 jours.
– « , Jh est le nombre jours semaine : 7 jours.
– « , Dh est la durée temps travail hebdomadaire supprimera chômage : 23,7 heures.
– « , Dq est la durée journée travail quotidien supprimera chômage.

Ayant droit à 2 jours de repos légaux, un salarié travaille 5 jours par semaine. La Dh de 23,7 heures étant réparti sur 5 jours, la durée de la journée (Dq) sera de 4,75 heures.

Le fait que la durée de la journée de travail quotidienne qui supprimera le chômage (Dq) soit de 4,75 heures invite à réfléchir sur la durée minimum d’une journée de travail. Si un salarié se déplaçait 5 jours par semaine pour travailler 4,75 heures, son revenu quotidien serait insuffisant pour financer ses frais de transports, de repas, d’entretiens, de réparations et d’essences. D’un point de vue écologique et énergétique, qu’il travaille 8 ou 4,75 heures, la consommation d’essence, la pollution de l’air et les rejets de CO2 occasionnés par les transports sont identiques. Au lieu de réduire le temps de travail en heures, pour limiter les embouteillages, la pollution, les rejets de CO2, le gaspillage de carburant et les frais liés aux transports, je propose de fixer la durée légale du temps de travail quotidien (DLq) à 8 heures et donc, de réduire la durée en jours. L’équation ci-dessous permet de calculer le nombre de journées de travail hebdomadaire qui supprimera le chômage.

– Soit, Dh est la durée temps travail hebdomadaire supprimera chômage : 23,7 heures.
– « , DLq est la durée légale temps travail quotidien : 8 heures.
– « , JTc est le nombre journées travail hebdomadaire supprimera chômage.

Le Dh étant de 23,7 heures, si la DLq était 8 heures, le JTc serait de 2,97 jours, soit 3 jours. Pour en finir avec le chômage, le nombre de journées de travail légal hebdomadaire sera donc de 3 jours.

Le nombre de journées de travail légal hebdomadaire (JTLh) étant défini, il est possible de calculer la durée légale du temps de travail hebdomadaire, mensuelle et annuelle.

– Soit, JTLh est le nombre journées travail légal hebdomadaire : 3 jours.
– « , DLh est la durée légale temps travail hebdomadaire.

Le JTLh étant de 3 jours par semaine et la DLq de 8 heures, la DLh sera de 24 heures.

– Soit, DLh est la durée légale temps travail hebdomadaire: 24 heures.
– « , Μ est le nombre mois par an : 12 mois.
– « , DLm est la durée légale temps travail mensuel :

Puisque la durée légale hebdomadaire (DLh) sera de 24 heures et qu’une année comprend 52 semaines réparties sur 12 mois, la durée légale mensuelle (DLm) sera de 104 heures.

– Soit, DLh est la durée légale temps travail hebdomadaire : 24 heures.
– « , DLa est la durée légale temps travail annuel.

Étant donné que tous les salariés travailleront 24 heures durant 52 semaines, la durée légale annuelle (DLa) sera de 1 248 heures. Pour en finir avec le chômage, la peur du chômage et le travail à temps partiel « subi », le gouvernement devra donc faire voter deux lois : fixer la durée légale de la journée de travail à 8 heures et limiter le nombre de journées de travail légal hebdomadaire à 3 jours pour tous les salariés, qu’ils soient cadres, employés et ouvriers.

Utiliser les gains de productivité pour réduire la durée légale de la semaine de travail à 3 jours n’est pas une idée neuve ou une utopie. Dans « La ferme des animaux », George Orwell proposait déjà d’utiliser le progrès technique pour travailler 3 jours par semaine[7]. En 2009, pour éviter des licenciements, les dirigeants du Financial Time[8] et d’Aston Martine[9] ont proposé à leurs salariés de partager l’emploi en réduisant la semaine de travail à 3 jours. Le 21 juillet 2014, le multimilliardaire Carlos Slim défendait la semaine de 3 jours : « Avec trois jours de travail par semaine, nous aurions plus de temps pour nous détendre, pour la qualité de vie. Avoir quatre jours de repos serait très important pour générer de nouvelles activités de divertissement et d’autres manières de s’occuper. »[10] La semaine de 3 jours ne concerne pas que la création d’emploi, elle a également un impact positif sur le bien-être, les capacités cognitives[11] et la santé psychique des salariés[12], ainsi que sur la performance des entreprises.

Ces dirigeants d’entreprises et ce multimilliardaire ne proposent pas la semaine de 3 jours par générosité ou philanthropie, mais parce qu’elle est bénéfique aux intérêts des entreprises. En travaillant 3 jours par semaine, le moral des salariés sera meilleur. Comme il s’améliorera, non seulement la productivité augmentera, mais en plus, les coûts liés aux accidents du travail et à l’absentéisme diminueront. Le cercle vertueux de la hausse de ces gains et de la baisse de ces coûts provoquera une hausse des bénéfices. L’exemple de l’entreprise Kellogg’s permet d’illustrer les intérêts de la réduction du temps de travail. En 1930, pour créer des emplois et se développer, la direction de Kellogg’s a décidé de réduire le temps de travail de ses salariés à 30 heures par semaine[13]. Pour cela, elle a réorganisé ses postes de travail : 4 postes de 6 heures au lieu de 3 de 8 heures et augmenté la rémunération horaire de ses salariés de 12,5 %. En 1935, lors de la publication de ses résultats, la direction de Kellogg’s a déclaré que la semaine de 30 heures avait été bénéfique. Le moral des salariés étant meilleur, la productivité avait augmenté, tandis que les coûts de production et les frais d’assurances avaient diminué. En effet, les coûts généraux ont chuté de 25 %, les coûts du travail se sont réduits de 10 %, les accidents de travail ont diminué de 41 % et les effectifs de Kellogg’s ont augmenté de 39 % par rapport à 1929. Pour toutes ces raisons, la réduction de la durée légale de la semaine de travail à 3 jours sera bénéfique aux intérêts des entreprises, des salariés et de la société dans son ensemble.

La semaine de 3 jours favorisera également l’aménagement du temps de travail de l’ensemble des acteurs économiques.

Jean-Christophe Giuliani

 

Cet article est extrait de l’ouvrage « En finir avec le chômage : un choix de société ! ».  Ce livre permet d’appréhender les enjeux du choix entre la relance de la croissance du PIB ou de la réduction du temps de travail. Vous pouvez le commander sur le site de la Fnac sous un format ePub ou Papier.


 

Pour accéder aux pages suivantes :

– Aménagement du temps de travail et temps choisi

– Comment préserver son pouvoir d’achat en travaillant 3 jours par semaine ?

– Disposer de 4 jours de temps libre par semaine : un choix de société.

 


[1] Éditions Législatives, Le débat sur la semaine de 4 jours relancé [En ligne] (consulté le 17 octobre 2016), http://www.editions-legislatives.fr/content/le-d%C3%A9bat-sur-la-semaine-de-4-jours-relanc%C3%A9

[2] Insee, T302 – Chômage et taux de chômage au sens du Bureau International du Travail (BIT), par sexe et tranche d’âge quinquennal et regroupé, en moyenne annuelle1975-2015. Op.Cit.

[3] Insee, 1.115 Produit intérieur brut et revenu national brut par habitant, Op.Cit.

[4] Insee, Population par sexe et groupes d’âges depuis 1946, Op.Cit.

[5] Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Repères & références statistique, 1.2, Évolution des effectifs d’élèves, d’étudiants et d’apprentis, Op.Cit.

[6] Sources : Insee, 6.213 Volume total d’heures travaillées par branche, Op.Cit.

[7] Orwell George, La ferme des animaux, Paris, éditions Champ Libre, 1981, page 58.

[8] L’express, L’expension, Le Financial Time propose la semaine de 3 jours, [En ligne] (consulté le 15 mars 2019), https://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/le-financial-times-propose-la-semaine-de-3-jours_1423044.html

[9] Le Monde.fr, TRAVAILLER MOINS, Le multimilliardaire Carlos Slim prône la semaine de trois jours de travail, [En ligne] (consulté le 23 mars 2015), http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2014/07/21/travailler-moins-le-multimilliardaire-carlos-slim-prone-la-semaine-de-trois-jours-de-travail/

[10] Challanges, Le milliardaire Carlos Slim pour la semaine de 3 jours, [en ligne] (consulté le 15 mars 2019), https://www.challenges.fr/revue-de-presse/le-milliardaire-carlos-slim-defend-la-semaine-de-3-jours_17988

[11] BFM, A 40 ans, travailler plus de 25 heures par semaine rend moins intelligent, [En ligne] (consulté le 20 octobre 2016), http://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/a-40-ans-travailler-plus-de-25-heures-par-semaine-rend-moins-intelligent-1019615.html

[12] Radio Canada, Les avantages de la semaine de 3 jours, [En ligne] (consulté le 3 janvier 2017), http://ici.radio-canada.ca/audio-video/media-7590237/les-avantages-de-la-semaine-de-trois-jours

[13] Riffikin Jeremy, La fin du travail, Paris, La découverte & Syros, 1996, page 51.

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