L’historique de la régulation et de la dérégulation des prix des subsistances

Le contrôle et la régulation des prix des subsistances sont plus anciens que la liberté du commerce. Ayant une origine biblique, la régulation des prix des grains est inscrite dans la loi depuis l’apparition de notre civilisation. Dans son ouvrage « La vie chère et le mouvement social sous la terreur », l’historien Albert Mathiez faisait remarquer que « Nos ancêtres ont vécu pendant des siècles dans la crainte obsédante de la disette. Assurer la subsistance du peuple était alors le premier devoir des gouvernants. »[1] Le premier devoir d’un Roi ou d’un gouvernant était donc de garantir la subsistance du peuple. Le Roi était lié au peuple par un contrat implicite : le peuple obéit tant que le Roi assure les subsistances. S’il ne remplit plus son devoir, le peuple n’est plus tenu de lui obéir. Étant indispensables aux subsistances, les grains n’étaient pas une marchandise comme les autres.

  • Les lois qui régulaient les prix des subsistances sous l’ancien régime.

Sous l’ancien régime, étant donné que les paysans ne vendaient que leurs surplus, ils ne dépendaient pas du marché pour assurer leur subsistance. L’organisation du commerce des grains était assurée par les marchands. Ils avaient la responsabilité d’approvisionner les villes et les régions qui manquaient de grains avec les surplus de celles qui disposaient d’excédent. Étant donné que les marchands étaient soupçonnés de s’enrichir en manipulant le prix des grains, le peuple se méfiait d’eux et cela, à juste titre. Dans une étude sur les origines de la crise de 1692, le commissaire Nicolas de La Mare faisait remarquer que les marchands pouvaient provoquer une rareté artificielle de l’offre en dissimulant des stocks de grain dans des entrepôts, des péniches ou des bateaux. « Cependant comme il ne faut qu’un prétexte aux marchands mal intentionnez et toujours avides de gain, pour les déterminer à grossir les objects du côté de la disette, ils ne manquèrent pas à profiter de celuy-cy ; on les vit aussi-tost reprendre toutes les allures ordinaires et remettre en usage toutes leurs mauvaises pratiques pour faire renchérir les grains : societez, courses dans les provinces, faux bruits répandus, monopoles par les achats de tous les grains, surenchères dans les marchez, arremens de grains en vert ou dans les granges et les greniers, rétention en magasin ; ainsi tout le commerce se trouva réduit à un certain nombre d’entr’eux qui s’en estoient rendus les maistres. »[2] En stockant les grains dans leurs entrepôts, les marchands avaient les moyens de provoquer une pénurie artificielle de l’offre. Profitant de la disette et donc, d’une demande supérieure à l’offre, ils pouvaient revendre leurs stocks à des prix plus élevés. La spéculation sur le prix des grains et des produits de première nécessité étant considérée comme un crime social, les marchands n’avaient pas le droit de s’enrichir avec le commerce des grains et des subsistances. Pour éviter l’exploitation du peuple, le Roi déléguait à la police la responsabilité de surveiller les marchands, de contrôler la qualité des produits et de réguler les prix des subsistances (pain, bois, viande, cire, foin, etc.).

Afin d’empêcher la fraude et la spéculation, la police soumettait le commerce des grains à une réglementation très stricte. Le marchand devait être enregistré sur des registres. Pour éviter que des personnes aux mœurs douteuses pratiquent ce commerce, avant d’être enregistré, il était soumis à une enquête de moralité. Il devait également déclarer le nom de ses vendeurs, les lieux où il achetait ses grains et l’adresse de ses entrepôts. Celui qui n’était pas inscrit sur les registres ou qui transportait des grains sans justifier son lieu d’achat était considéré comme un brigand. Le marché des grains étant local, l’exploitant devait apporter sa récolte sur le marché le plus proche de son lieu de production. Le commerce des grains étant public, il avait lieu sur les marchés à l’heure précise de la cloche des grains[3]. La priorité étant accordée à la subsistance, les marchands se servaient après la population. Ils avaient le droit d’acheter les surplus de grains, pour les vendre au « juste prix »[4] dans les villes et les régions qui en manquaient. Étant un prix équitable pour l’acheteur et le vendeur, le « juste prix » permettait à chacun d’y trouver son compte.

  • La libération du commerce des grains sous l’ancien régime.

La doctrine idéologique, qui considère la régulation comme un frein à la liberté et une atteinte à la propriété, est apparue avec les physiocrates au milieu du 18e siècle. Sous l’ancien régime, le seul secteur d’activité capable de créer de la richesse était l’agriculture. Étant donné que le peuple dépendait des grains pour sa subsistance, le commerce des grains n’était pas soumis aux mêmes règles que celui des biens ostentatoires. Tandis que le commerce des grains était régulé par l’État, celui des biens ostentatoires était soumis à la loi du marché. Pour que le commerce des grains permette de s’enrichir, les grains devaient être considérés comme une marchandise à part entière. Les physiocrates défendaient la liberté du commerce des grains en affirmant qu’en laissant faire la loi de « l’offre et de la demande », le prix des grains s’équilibrerait naturellement. En libérant le commerce des grains, il sera donc possible de baisser les prix, d’augmenter les salaires, de garantir un « juste profit », d’éviter les disettes et de renflouer les caisses de l’État.

Croyant sincèrement agir pour le bien du peuple, sous la pression des physiocrates et du parlement, le 25 mai 1763, Louis XV signa l’édit qui autorisa la liberté du commerce des grains et des farines dans toute l’étendue du royaume[5]. En se libéralisant, le commerce des grains n’était plus soumis à des règles strictes. Dès lors, la police n’était plus autorisée à intervenir sur les marchés pour contrôler la qualité et réguler les prix. Les enquêtes de moralité et les registres ayant été abrogés, n’importe qui pouvait se déclarer marchand de grains. N’étant plus tenus de déclarer l’adresse de leurs entrepôts, les marchands avaient la possibilité de dissimuler l’état réel de leurs stocks. Les droits de péages ayant été supprimés, les marchands avaient le droit de circuler librement d’une province à l’autre.

Étant donné que les grains étaient devenus une marchandise à part entière, les marchands avaient le droit de réaliser un « juste profit ». Le marché des grains n’étant plus local, l’exploitant agricole était autorisé à les vendre au marchand qui lui proposait le meilleur prix. N’étant plus contraint de se servir après la population, le marchand avait le droit d’acheter la quantité qu’il souhaitait. Étant propriétaire de ses grains, s’il considérait que les prix du marché étaient trop bas, au lieu de les vendre, il pouvait les stocker. Lorsque la disette provoquait une hausse des prix, le marchand avait le droit de vendre ses stocks au « bon prix », c’est à dire, aux plus offrants. La spéculation qui s’en suivit provoqua la hausse vertigineuse des prix du grain et donc, du pain.

Au lieu d’apporter la prospérité, la liberté du commerce des grains provoqua une récession économique, l’endettement de l’État, un chômage massif, la famine et des révoltes. Malgré l’abondance des récoltes, la spéculation provoqua la hausse du prix des grains. Tandis qu’en 1763, il fallait 12,65 livres pour acheter un quintal de blé, en 1770 il en fallait 25[6]. Animés par la cupidité et l’intérêt personnel, les marchands étaient incapables de fixer un prix d’équilibre équitable pour tous. La hausse excessive des prix des grains et du pain provoqua des famines, des révoltes et le désordre dans tout le pays. Pour mettre fin aux émeutes, le 29 août 1770, avec l’approbation du Roi, le parlement de Paris abrogea la loi sur la liberté du commerce des grains[7].

Malgré l’expérience désastreuse de 1763, le 13 septembre 1774, cinq mois après le sacre de Louis XVI, Turgot, qui était un physiocrate, fit adopter un édit sur la libéralisation du commerce des grains[8]. D’avril à mai 1775, la hausse des prix du grain et du pain due à la spéculation provoqua des disettes, des agitations populaires et des émeutes dans tout le pays. « La guerre des farines »[9] prit fin lorsque le Roi organisa les approvisionnements, obligea les marchands à vendre leurs stocks au « juste prix », retira l’édit sur la liberté du commerce des grains et ordonna à Turgot de démissionner le 12 mai 1776.

Malgré les expériences désastreuses de 1763 et de 1774, pour favoriser la prospérité de la France et rétablir les finances de l’État, Louis XVI libéra à nouveau le commerce des grains le 17 juin 1787[10]. Cette libéralisation provoqua, une fois de plus, la hausse des prix du grain et du pain. Sous l’ancien régime, le Roi avait le devoir de garantir la subsistance et d’éviter que le peuple soit victime de la spéculation. S’il ne remplissait pas sa mission, le peuple n’était plus tenu de lui obéir. Cette nouvelle libéralisation jeta, une fois de plus, le discrédit sur le régime en place et la capacité du Roi à protéger ses sujets. Étant donné que le Roi ne remplissait plus sa mission, il était suspecté d’œuvrer contre les intérêts du peuple. Les disettes, les famines et les émeutes de la faim qui se succédèrent ont préparé le terrain de la Révolution.

  • La liberté du commerce des grains serait-elle l’une des causes de la révolution Française de 1789 ?

Malgré l’influence grandissante de la bourgeoisie, si Louis XVI n’avait pas rétabli la liberté du commerce des grains, elle n’aurait pas pu instrumentaliser le mécontentement populaire pour conquérir le pouvoir politique. En effet, ce ne sont pas des considérations politiques et les idées des Lumières qui ont provoqué les insurrections populaires, mais la hausse des prix du pain. Tandis qu’en 1787, il fallait 18,8 livres pour acheter un quintal de blé, en 1789, il en fallait 29[11]. Les premières victimes de la hausse des prix du pain furent les ouvriers et les artisans des villes. En 1750, un ouvrier gagnait entre 10 et 20 sous par jour lorsqu’il travaillait. Son repas était pour l’essentiel composé d’une miche de pain de 1 kg qui coûtait 4 sous. Grâce aux repos dominicaux obligatoires, aux demi-journées du samedi, aux fêtes religieuses, aux fêtes de la corporation, au carnaval, et aux diverses autres fêtes, il pouvait disposer de 200 jours chômés par an[12] qui n’étaient pas payés. En travaillant 165 jours, il percevait un revenu compris entre 1 650  et 3 300 sous qui lui permettait d’assurer sa subsistance durant 365 jours. À cause de la spéculation sur le commerce des grains, à la veille de la révolution de 1789, la miche de pain coûtait 14 sous, soit une hausse de 250 % par rapport à 1750. En se combinant, le nombre de jours chômés et la hausse des prix du pain ne permettaient plus à l’ouvrier d’assurer sa subsistance et celle de sa famille. Les émeutes de la faim et les revendications portant sur la baisse des prix du pain ont abouti à la révolution du 14 juillet 1789. Paradoxalement, ce n’est pas contre l’autorité du Roi que le peuple aurait dû se soulever, mais contre la grande bourgeoisie, les milieux d’affaires, les marchands et les gros fermiers qui s’enrichissaient en spéculant sur le prix des grains.

La Révolution française ne mit pas fin à la liberté du commerce des grains. Au contraire, en s’emparant du pouvoir politique, la bourgeoisie fit voter le décret sur la liberté du commerce du 29 août 1789 et la loi martiale du 21 octobre 1789. Ce décret et cette loi interdisaient toutes actions populaires pour la régulation des prix. De 1791 à 1792, le prix d’un quintal de blé est passé de 21,5 à 28,4 livres[13]. Il faudra attendre la Révolution populaire du 10 mai 1792 pour que la loi régule le commerce des grains et encadre le prix des subsistances. Confrontée à des révoltes, le 27 septembre 1792, la convention girondine autorisa la taxation des grains. Le 4 mai 1793, contrainte par la pression de la rue, elle vota la « loi du Maximum »[14]. Malgré la loi, les prix ne cessaient d’augmenter. Étant pour la liberté du commerce, les Girondins n’étaient pas motivés à faire appliquer cette loi qui leur avait été arrachée par la force. À cause de la hausse des prix, des révoltes populaires se propageaient dans tout le pays. La révolte du 31 mai 1973 provoqua la chute des Girondins qui furent remplacés par les Montagnards le 2 juin 1793.

Le 26 juillet 1793, la convention montagnarde vota un décret contre les accapareurs de denrées et de marchandises de première nécessité. Les commerçants et les grossistes qui vendaient des denrées destinées aux subsistances étaient tenus de se déclarer à la municipalité et d’afficher l’état de leurs stocks. Le 27 juillet 1793, la convention vota la peine de mort pour les accapareurs. C’est-à-dire ceux qui stockaient des denrées pour s’enrichir en spéculant sur les prix[15]. Cette loi permettait aux commissaires chargés de faire respecter la loi de confisquer les biens des contrevenants et de les condamner à mort. Le 29 septembre 1793, sous la pression du peuple et avec l’appui de Robespierre, la convention vota la « loi du maximum général »[16]. Cette loi étendit la « loi du Maximum » aux denrées et aux produits de première nécessitée (viande, beurre, huile, sel, sucre, poisson, savon, bois, charbon, cuir, fer, cuivre, laine, étoffes, etc.). Désormais, le prix des denrées était fixé par les autorités départementales. Les commerçants qui vendaient au-delà du maximum pouvaient être frappés d’une amende et voir leurs noms inscrits sur la liste des suspects. C’est à dire, qu’ils pouvaient être condamnés à mort. Ce ne fut pas une révolte populaire, mais un complot qui renversa les Montagnards le 9 thermidors 1794 (27 juillet). Le 24 décembre 1794, la convention thermidorienne abrogea la « loi du maximum général ». Le rétablissement de la liberté du commerce des grains provoqua, à nouveau, la famine et des émeutes. Au lieu de réguler les prix ou d’augmenter les salaires, la bourgeoisie proposa d’augmenter le temps de travail. Pour assurer leur subsistance, non seulement, les ouvriers ont dû travailler davantage, mais en plus, ils ont dû faire travailler leurs femmes et leurs enfants.

  • Les conséquences de la liberté du commerce au 21e siècle.

Au même titre que les physiocrates, les ultralibéraux prétendent agir au nom de la raison, de la liberté et des lois naturelles. À la différence des physiocrates, ils ne se contentent pas de libérer le commerce des grains pour s’enrichir. De 1945 à 1986, les prix étaient régulés par l’Ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945. À cause de cette ordonnance, les prix ne pouvaient pas être fixés librement. À partir des années 80, l’organisation internationale du commerce, la commission européenne et le gouvernement français ont conclu des accords et voté des lois qui ont libéralisé le commerce de tous les biens et services. Les accords du GATT, qui se sont conclus en 1986 par l’Uruguay Round, ont permis de baisser les tarifs douaniers et de limiter les restrictions quantitatives et qualitatives aux échanges. L’acte unique européen du 28 février 1986 ouvrit les marchés intérieurs à la libre concurrence : art 16-4 : « Le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée […]. En abrogeant l’Ordonnance de 1945, l’Ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 libéra les prix. Le traité de Maastricht a permis de libérer les marchés de l’éducation, de la santé, des transports, des services, de l’eau, du gaz, de l’électricité, etc. La dérégulation ne s’applique pas qu’aux biens et services, elle concerne également le secteur bancaire et les marchés financiers. La mise en œuvre de la doctrine ultralibérale a aboutis aux mêmes résultats que celle des physiocrates : la hausse des prix de l’alimentation et du logement, la hausse du chômage et de la précarité, l’endettement des États (États-Unis, Grèce, etc.), la révolte des peuples (Grèce, Espagne, etc.) et la montée de l’extrême droite (France, Hongrie, etc.). La liberté du commerce ne profite qu’à une petite minorité qui s’enrichit au détriment de la majorité. Depuis 1980, l’écart de revenu entre les plus riches et les plus pauvres n’a cessé de se creuser. En 2013, 85 personnes possédaient autant que 3,5 milliards d’êtres humains.

Je tiens à mettre en face de leurs contradictions les ultralibéraux, ainsi que les libertariens qui prônent la liberté individuelle et la propriété de soi. Être libre, autonome et propriétaire de soi, nécessite de pouvoir choisir son mode de vie et le sens que l’on souhaite donner à sa vie. Pour que chacun ait ce choix, la loi doit garantir la possibilité de choisir entre « travailler plus pour gagner plus » ou travailler 2 jours par semaine pour un salaire compris entre 1 040 € et 1 660 € par mois. Si ces conditions ne sont pas remplies, le concept de liberté défendu par les ultralibéraux et les libertariens n’a qu’un seul objectif : défendre la propriété privée, la soi-disant loi du marché et le pouvoir temporel de l’argent et légitimer leur autorité et l’ordre économique.

Au nom de la liberté individuelle, un ultralibéral pourrait objecter que le choix de travailler 3 jours par semaine devrait être le résultat d’une négociation, d’un accord et de la signature d’un contrat entre le salarié et son employeur. Pour ne pas se laisser piéger par ce discours idéologique, il est nécessaire de s’intéresser aux réalités économiques et sociales. Une négociation peut avoir lieu sur une base libre et non faussée si les deux parties en présence sont de force égale. Si l’un des deux est dépendant de l’autre, il ne peut pas y avoir d’accord libre. La France comprend plus de 7 millions d’actifs sans emploi et à temps partiel subi. Tant que le taux de chômage sera élevé, le rapport de force sera en faveur de l’employeur. À cause de la peur du chômage, ce choix ne peut pas relever d’une négociation individuelle. Étant donné que ce choix serait interprété comme un signe de retrait et de démotivation, le salarié qui solliciterait l’autorisation de travailler 3 jours risquerait de perdre son emploi au profit d’un autre qui ne compterait pas ses heures.

Même s’il obtient satisfaction, en travaillant moins, il gagnera moins. Étant donné que les prix de l’alimentation et du logement sont dérégulés, il sera confronté à une hausse des prix avec un revenu en baisse. Le salarié, qui a une femme, des enfants et les traites de sa maison à rembourser, n’a donc pas la liberté de faire ce choix. Cette prise de risque inconsidérée serait totalement irresponsable. Seul un rentier, qui dispose d’un patrimoine important, ainsi qu’un célibataire ou un couple sans enfants, qui n’a pas de traites et de crédits à rembourser, a la possibilité de prendre ce risque.

Dès lors, la réduction de la semaine de travail à 3 jours doit être légalisée par la loi. C’est donc à l’État que revient la responsabilité de fixer le cadre légal de la négociation entre le salarié et l’employeur. La norme étant fixée à 3 jours, le salarié qui souhaitera travailler plus aura la liberté et le droit de le négocier avec son employeur. Pour que le revenu optimal soit viable, une distinction doit à nouveau être faite entre les biens et services essentiels et ceux qui sont ostentatoires. Au nom de la liberté, les prix de ceux qui sont ostentatoires, c’est-à-dire destinés à se distinguer, à affirmer sa réussite et à nourrir l’estime de soi, doivent être soumis à la loi du marché. En revanche, les prix de ceux qui sont destinés aux subsistances doivent être régulés par la loi. En s’inspirant de l’ancien régime, de la « loi du maximum général » et de l’Ordonnance du 30 juin 1945, les gouvernements auront le devoir et la responsabilité de voter la nouvelle « loi du Maximum ».

Au même titre que la réduction de la durée légale de la semaine de travail à 3 jours, le revenu optimal de 1 040 € par mois et la « loi du Maximum » ne sont pas des choix économiques, mais des choix de société. En effet, en associant ces droits, il sera possible de procurer à chaque individu une sécurité et une stabilité matérielle indispensable à l’expérimentation de nouvelles pratiques quotidiennes et donc, de nouveaux modes de vie individuels et collectifs.

Jean-Christophe Giuliani

 

Cet article est extrait de l’ouvrage « En finir avec le chômage : un choix de société ! ».  Ce livre permet d’appréhender les enjeux du choix entre la relance de la croissance du PIB ou de la réduction du temps de travail. Vous pouvez le commander sur le site de la Fnac sous un format ePub ou Papier.


Pour accéder aux pages suivantes :

– Disposer de 4 jours de temps libre : le choix du mode être !

[1] Mathiez Albert, La vie chère et le mouvement social sous la terreur tome 1, Paris, Payot, 1973, page 9.

[2] Nicolas de La Mare. Traité de police. Paris, 1729 ( seconde édition ), II, p.886. Cité dans S. L . Kaplan. Le pain, le peuple, le Roi. La bataille du libéralisme sous Luois XV. Paris : Perrin,1986.Pp ; 53 -54.

[3] Martinau Jonathan, L’ère du temps, Modernité capitaliste et aliénation temporelle, Montréal, Lux, 2017, page 102.

[4] Le « juste prix » était fondé sur un idéal de modération qui peut se résumer ainsi : pour être équitable, les prix ne devaient ni mécontenter les marchands ni léser les consommateurs. Un prix était jugé « juste » quand le marchand se réservait un bénéfice modeste et que la masse la plus fragile de la population qui vivait dans un état de pauvreté n’en pâtissait pas excessivement, c’est-à-dire qu’elle pouvait accéder aux subsistances.

[5] Bernard Alain, La guerre des farines, page 202 [En ligne] (consulté le 30 décembre 2017), https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01081675/document

[6] Fourastié Jean, (consulté le 12 septembre 2015), Présentation des statistiques des prix, la théorie des prix selon Jean Fourastié, [En ligne]. Adresse URL : http://www.fourastie-sauvy.org/images/stories/pdf/prix%20du%20ble.pdf

[7] Jean Baptiste Joseph Pailliet, Dictionnaire universel de droit français : tome premier, Paris, Tournachon-Molin, 1825, page 185

[8] Wikipédia, (consulté le 11 mars 2014), Libération du commerce des grains sous l’Ancien Régime, [En ligne]. Adresse URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/Lib%C3%A9ralisation_du_commerce_des_grains_sous_l%27Ancien_R%C3%A9gime

[9] Wikipédia, (consulté le 11 mars 2014), Guerre des farines, [En ligne]. Adresse URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_des_farines

[10] Louis XVI, Déclaration du roi, pour la liberté du commerce des grains. Donnée à Versailles le 17 juin 1787. Registrée en parlement le vingt-cinq juin mille sept cent quatre-vingt-sept, Paris, N H Nyon, 1787.

[11] Fourastié Jean, Op cit.

[12] Handwerker Marian, André Gorz, Mais qu’est-ce qu’ils pensent ?, 1990, [DVD], Bruxelles, SAGA Film.

[13] Fourastié Jean, Op cit.

[14] Wikipédia (consulté le jeudi 6 mars 2014), Loi du maximum général, [En ligne]. Adresse URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_du_maximum_g%C3%A9n%C3%A9ral

[15] Mathiez Albert, La vie chère et le mouvement social sous la terreur tome 1, Paris, Payot, 1973, page 244.

[16] Mathiez Albert, La vie chère et le mouvement social sous la terreur tome 2, Paris, Payot, 1973, page 17.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.