Brown-out : quand le travail ne donne plus de sens à la vie

Jean-Christophe Giuliani

– Source : Réinventer son travail, Brownout-travail-vide-de-sens[1].

Après le « burn-out », qui correspond à un épuisement professionnel lié à une surcharge de travail, le « bore-out », qui correspond à un épuisement lié à l’ennui sur le lieu de travail, le « brown-out » apparaît comme le nouveau mal du siècle qui ronge les cadres[2]. Le brown-out, qui concerne principalement les cadres, est une sorte de baisse de tension liée à l’absurdité, à l’inutilité et l’absence de sens du monde du travail.

Selon les chiffres de l’Ipsos, quels que soient les niveaux hiérarchiques, 54 % des salariés français seraient démotivés ou désengagés dans leur travail. Une étude de 2013, menée auprès de 1 000 cadres dirigeants américains (PDG, cadres de l’industrie et avocats d’affaires), montre que 40 % souffrent de brown-out[3]. Les symptômes du brown-out sont l’absence de motivation, la lassitude, le désengagement et une forme de fatigue spirituelle qui peuvent conduire à un dégoût de soi, à un repli sur soi, à des troubles physiologiques et psychologiques, à une dépression, voire même au suicide.

Le brown-out concerne tous les secteurs d’activités, tous les métiers et toutes les catégories socioprofessionnelles. Il concerne particulièrement les bullshit Jobs[4], c’est-à-dire des emplois bien rémunérés et gratifiants dont l’activité est chronophage, inutile, voire nuisible pour la société et l’environnement : les ressources humaines, le management, la communication, la publicité, le marketing, la finance, l’assurance et la banque.

Plus un cadre est sain d’esprit et porteur de valeurs écologistes et humanistes, plus il a de difficulté à accepter d’effectuer le « sale boulot » ou un travail que la morale réprouve, plus il risque d’être victime du brown-out.

De plus en plus de cadres dirigeants constatent, déplorent et dénoncent le fait que la seule finalité des efforts qu’ils déploient pour atteindre leurs objectifs est d’augmenter les dividendes versés aux actionnaires.

À force de collaborer à des actes ou à des missions qui s’opposent à ses valeurs : réduire les budgets et les effectifs, mettre la pression sur ses subordonnés, instaurer un climat de terreur, contribuer à des campagnes de communication mensongères, nuire à la société, contribuer au réchauffement du climat, etc., non seulement le cadre finit par ne plus comprendre le sens de son engagement, mais en plus, il perd son amour-propre et n’est plus capable de se regarder en face.

Même s’il est possible d’acheter le temps ou la présence physique d’un cadre, il n’est pas possible d’acheter sa loyauté, son dévouement et son engagement. Les rémunérations élevées, les primes, les stocks options et les avantages sociaux ne suffisent donc plus à compenser la perte de sens et de valeur du travail.

Face à l’absurdité de leur activité professionnelle, de nombreux cadres du marketing, de la communication, de la finance, de la publicité, de la banque, etc., abandonnent leurs carrières bien rémunérées pour se reconvertir dans la restauration, l’ébénisterie, la boulangerie, la pâtisserie, la mécanique[5], la paysannerie, l’ouverture d’un bar, etc. En pratiquant ces activités, le cadre tente de contribuer à quelque chose d’utile, de retrouver le contrôle de son existence et de donner un autre sens à sa vie.

Jean-Christophe Giuliani

 

Cet article est extrait de l’ouvrage « En finir avec le chômage : un choix de société ! ».  Ce livre permet d’appréhender les enjeux du choix entre la relance de la croissance du PIB ou de la réduction du temps de travail. Vous pouvez le commander sur le site des Éditions du Net sous un format ePub ou Papier.


Pour accéder aux pages suivantes :

– Le temps libre : un choix de société !

– Les enjeux du temps et de l’emploi du temps

– Disposer de 4 jours de temps libre : un choix de société !

– Combien d’heures devrions-nous travailler pour supprimer le chômage ?

– La réduction du temps de travail peut-elle supprimer le chômage ?

– Le déclin de l’ordre religieux au profit de l’ordre économique.

– Historique de la réduction du temps de travail

 

[1] Réinventer son travail, Brownout-travail-vide-de-sens, [En ligne] (consulté le mardi 28 mai 2018), https://www.reinventersontravail.com/brownout-mon-travail-est-inutile/brownout-travail-vide-de-sens/

[2] Cadre et dirigeant magazine, Le brown-out, le nouveau mal qui ronge les cadres, [En ligne] (consulté le mardi 2 octobre 2017), http://www.cadre-dirigeant-magazine.com/actu/brown-out-nouveau-mal-ronge-cadres/

[3] Cadremploi, Brown-out : que se cache-t-il derrière ce nouveau syndrome qui touche les cadres, [En ligne] (consulté le lundi 29 janvier 2018), https://www.cadremploi.fr/editorial/actualites/actu-emploi/detail/article/brown-out-que-se-cache-t-il-derriere-ce-nouveau-syndrome-qui-touche-les-cadres.html

[4]  Graeber David, On the Phenomenon of Bullshit Jobs, Strike! Magazine. Retrieved August 19, 2013.

[5] Crawford Matthew B, Eloge du carburateur, Essai sur le sens et la valeur du travail, Paris, La découverte, 2010.

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