La croissance du PIB épuiserait-elle les ressources naturelles ?

Jean-Christophe Giuliani

Les ressources naturelles (eau, air et sol) étant les supports de la vie et de la reproduction des ressources biologiques, elles sont indispensables à la survie de l’espèce humaine. Pour qu’un taux de croissance du PIB de 5,5 % par an pendant 5 ans soit envisageable, il ne doit pas épuiser les stocks de ressources naturelles de la planète. Contrairement aux matières premières, ce ne sont pas les stocks qui sont menacés, mais leurs qualités qui se dégradent au fur et à mesure de leur exploitation et des rejets de déchets, de particules nocives et de polluants en tout genre.

  • La croissance aurait-elle un impact sur la qualité de l’air ?

La survie et le développement des espèces vivantes et donc, de l’Homme dépendent de la respiration d’un air chargé en oxygène. L’air que nous respirons au quotidien est composé d’oxygène et d’autres particules plus ou moins nocives pour la santé. L’activité industrielle, les transports, l’agriculture et le chauffage résidentiel rejettent du monoxyde de carbone (CO), de l’oxyde de soufre (SO2), de l’oxyde d’azote (NO2) et d’autres particules fines (PM2,5, PM1,0 et carbone suie). Ces rejets, qui contribuent à détériorer la qualité de l’air, ont un point en commun, ils sont dangereux pour la santé. L’augmentation des affections bénignes (fatigue, nausées, irritation des yeux et de la peau) et de maladies graves (asthme, allergies, cancers, maladies cardio-vasculaires, etc…) dues à la pollution de l’air est le signe de sa dégradation. Un rapport de l’OMS datant de l’année 2000 montrait que l’exposition permanente aux particules fines provoquait chaque année environ 350 000 décès prématurés en Europe, dont 42 000 en France[24].

De 1973 à 2013, la qualité de l’air s’est améliorée en France : les rejets de CO ont diminué de 71 %, ceux de SO2 de 94 % et ceux de NO2 de 45,4 %. En ce qui concerne les particules fines, de 1991 à 2013, les rejets de PM2,5 ont diminué de 59,5 %, ceux de PM1,0 de 64,9 % et ceux de carbone suie de 50,6 %[25]. Les réglementations et les mesures prises (favoriser le vélo, limiter la circulation et réduire la vitesse en ville, filtres pour les usines et les véhicules diesel, etc…) ont permis de réduire ces rejets sur l’ensemble du territoire. Malgré ces réductions, ils sont toujours très élevés sur les grands axes routiers et la pollution de l’air est l’une des principales préoccupations des grandes agglomérations. Le graphique ci-dessous présente la qualité de l’air en nombre de jours de la région parisienne en fonction de zones à forts ou à faibles trafics routiers en 2012.

–  Source : Airparif, qualité de l’air en Ile de France en 2012, mars 2013[26]

Ce graphique montre que la qualité de l’air de la région parisienne varie de manière significative entre les zones à forts ou à faibles trafics routiers. En 2012, les populations situées dans les zones à faibles trafics (zone rurale, forêt de Fontainebleau, Bois-Herpin, etc…) bénéficiaient d’un air de bonne qualité 236 jours, de qualité moyenne 108 jours et de mauvaise qualité 21 jours par an. En revanche, celles situées dans les zones à forts trafics (Paris Centre, Avenue des champs Élysée, boulevard périphérique, A1 niveau St Denis, RN2 Pantin, etc…) sont exposées à un air de qualité moyenne 211 jours et de mauvaise, voire de très mauvaise qualité 150 jours par an.

Le rapport de Airparif de 2013 montre que plus de 3 millions de Parisiens sont régulièrement exposés à des valeurs de NO2 qui atteignaient 40 μg/m3. Puisque 63,8 % du parc automobile français est composé de véhicules à moteur diesel, plus de 80 % du carbone suie mesuré à proximité du boulevard périphérique provient de la combustion de camions et de voitures diesel[27]. À cause de ces véhicules, 11,7 millions de Parisiens[28] sont soumis à des teneurs en particules fines (PM2,5) comprises entre 30 et 50 μg/m3, qui sont supérieures à la limite annuelle de 27 μg/m3 à ne pas dépasser pour préserver sa santé. Ce qui est vrai pour les zones à forts trafics routiers de la région parisienne l’est également pour les grandes agglomérations françaises (Lyon, Marseille, Lille, Nice, etc…) et étrangères (New York, Londres, Rome, Pékin, Tokyo, Mexico, New Delhi, etc…).

Étant donné que les rejets augmentent au rythme du développement économique, si ce processus se poursuit, l’oxygène de l’air, qui répond à un besoin vital, sera progressivement remplacé par des particules nocives pour la santé. La pollution de l’air étant étroitement liée à l’activité économique, relancer la croissance du PIB ne semble pas être une solution envisageable pour préserver la santé et la qualité de vie de la population.

  • La croissance épuiserait-elle les sols ?

Épaisse de 30 cm en moyenne, la couche de terre qui recouvre les sols abrite d’intenses échanges biologiques et physico-chimiques. Elle fournit les éléments indispensables à la croissance des végétaux, filtre l’eau, contrôle l’alimentation des nappes phréatiques, régule le cycle du carbone et de l’azote et constitue l’habitat de près de 80 % de la biomasse. L’agriculture, dont l’Homme dépend pour son alimentation, nécessite l’exploitation de terres arables, c’est-à-dire de terres pouvant être labourées et cultivées. Dans un rapport datant de décembre 2015, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) affirmait qu’un tiers des terres arables de la planète étaient menacées de disparaître[29]. La disparition de la biodiversité, l’agriculture intensive, l’urbanisation et le réchauffement climatique provoquent l’épuisement, l’érosion, le tassement, l’acidification, la pollution et la salinisation des sols.

Les principales causes de l’épuisement des sols sont l’agriculture et l’élevage intensifs. L’exploitation intensive, la monoculture (blé, soja, betterave, maïs, colza, etc…), les cultures inadaptées aux écosystèmes et aux climats locaux, ainsi que l’usage intensif d’engrais chimique et de pesticides accélèrent l’épuisement et la dégradation des sols. En perturbant la vie souterraine et les échanges biochimiques, les labours profonds en réduisent la fertilité. En appauvrissant les teneurs en nutriments, en humus et en matières organiques, qui constituent l’engrais naturel des plantes, la surexploitation agricole les épuise également. À l’échelle mondiale, les rendements agricoles ont augmenté de 3 % de 1950 à 1984 et de 1 % de 1984 à 1995. Depuis 1995, ils stagnent ou se réduisent. À cause de la surexploitation, 40 % des surfaces agricoles françaises présentent des risques d’épuisement. L’épuisement des sols provoque une baisse des rendements agricoles qui nécessite un usage croissant d’engrais chimique. Le graphique ci-dessous présente l’évolution des quantités d’azote vendues ramenées à la surface fertilisable.

–  Source : Unifa, enquête sur les livraisons d’engrais en France Métropolitaine – SSP, statistique annuelle agricole. Traitements : SOSeS, 2015[30].

Tandis qu’en 1972, il fallait environ 55 kg d’azote pour fertiliser un hectare, en 2013, il en fallait 85 kg, soit une hausse de 54,5 %. Entre 1972 et 2013, tandis que les surfaces fertilisables diminuaient de 11 %, les livraisons d’engrais de synthèse azotée augmentaient de 29 %[31]. À cause de l’exploitation intensive, malgré un usage intensif d’engrais chimique, les rendements ne cessent de diminuer. Dans certaines régions du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, les rendements agricoles sont passés de 5 à 0,5 tonne à l’hectare.

À cause de l’épuisement des sols, 33 millions d’hectares de terres sont détruits chaque année au niveau mondial. Ce rythme est désormais supérieur à celui de la pédogenèse, c’est-à-dire celui de la régénération et de la formation des sols. À terme, l’agriculture et l’élevage intensifs, qui sont encouragés par les banques et l’industrie agroalimentaire, provoqueront une chute des rendements agricoles, dont les conséquences seront la hausse des prix des produits alimentaires. La hausse des prix provoquera des famines, des révoltes de la faim, des tensions politiques et des guerres. Afin d’éviter l’épuisement des sols, il est désormais urgent de changer la finalité de l’agriculture, les pratiques agricoles et de régime alimentaire.

Contrairement aux idées reçues, l’agriculture intensive n’est pas destinée à nourrir les populations, mais à enrichir les banques, à spéculer en bourse et à nourrir du bétail. Afin d’investir dans la terre et le matériel d’exploitation, un agriculteur est obligé de s’endetter auprès d’une banque. Pour rembourser ses traites, il est plus ou moins contraint, d’une part, d’utiliser des engrais chimiques et des pesticides pour augmenter les rendements, et d’autre part, de produire de manière intensive du colza, des betteraves, du soja, du blé, du maïs, de l’avoine, etc… qui sont, pour l’essentiel, destinés à nourrir du bétail. Il est important de préciser que plus de 70 % des terres agricoles ne sont pas utilisés pour nourrir des êtres humains, mais du bétail[32]. Ces matières premières agricoles étant cotées en bourse, elles sont soumises à la loi du marché et à la spéculation. En devenant un producteur de matières premières à part entière, l’agriculteur s’est aliéné à une logique économique au détriment de sa fonction nourricière.

Pour éviter que la sécurité alimentaire soit compromise par l’épuisement des sols, l’élevage intensif et la spéculation, il est nécessaire de changer d’habitudes alimentaires. En réduisant la consommation de protéines animales au profit de protéines végétales (lentille, haricot, quinoa, spiruline, etc…), il sera possible d’en finir avec l’élevage intensif et donc, de réduire la surface des terres destinées à nourrir le bétail. En produisant davantage de légumineux, de fruits et de légumes, l’agriculture biologique et maraîchère locale assurera la sécurité alimentaire des populations. En limitant l’usage d’engrais chimique et de pesticides et en réhabilitant les semis directs, les haies, l’assolement, la rotation des cultures et les jachères, ces formes d’agricultures permettront de régénérer l’activité biologique et microbienne des sols et donc, d’éviter leur épuisement. En s’affranchissant de la logique économique, l’agriculteur retrouvera sa fonction nourricière initiale.

La nécessité de changer de régime alimentaire ne concerne pas que l’épuisement des sols, elle concerne également les stocks et la qualité de l’eau.

  • La croissance aurait-elle un impact sur la qualité de l’eau ?

L’eau est à l’origine de la vie sur terre. Les stocks d’eau de la planète sont estimés à 1,39 milliard de km3 (1 km3 = 1 milliard de m3). Tandis que 97,6 % des stocks sont situés dans les océans, 2,4 % sont situés dans les calottes glaciaires, les eaux souterraines, l’eau douce superficielle et les vapeurs d’eau atmosphérique. Pour se développer, les espèces terrestres, dont l’espèce humaine fait partie, ont besoin d’une eau douce et potable, c’est à dire, d’une eau utile qui ne soit pas salée et polluée. Les eaux souterraines abritent 0,54 % des stocks utiles de la planète. Par conséquent, 98 % des eaux utiles à la consommation domestique, à l’irrigation des terres et à l’usage industriel ne représentent que 7,5 millions de km3, soit 7 trillions 500 milliards de m3.

Le rapport du Sénat, « Eau : Urgence déclarée » datant de juin 2016, affirmait que les stocks d’eau souterraine de la France étaient estimés à 2 000 km3, soit 2 000 milliards de m3[33]. Les stocks d’eau utiles étant limités, avant de proposer des solutions pour les préserver, il est nécessaire d’identifier les activités qui en consomment le plus. Chaque année la France prélève environ 32 milliards de m3 d’eau utiles pour assurer ses activités économiques et domestiques. Le graphique ci-dessous présente les consommations d’eau utiles par secteur d’activité en 2015.

–  Source : délégation à la prospective du Sénat, d’après le Conseil d’État (données consommations)[34]

Tandis que les usages domestiques consomment 24 % des 32 milliards de m3 d’eau utiles par an, les usages à caractère économique (agriculture 48 %, industrie 6 % et refroidissement des centrales nucléaires 22 %) en consomment 76 %. Utilisée à tous les stades de la production de métaux, de plastiques, de papiers, du raffinage du pétrole, etc…, l’eau est indispensable à l’industrie. En effet, la production d’un kg d’acier nécessite entre 300 et 600 litres d’eau et celle d’un kg de papier 500 litres. Étant polluées, les eaux rejetées par l’industrie sont impropres à l’usage industriel, agricole et domestique. C’est-à-dire qu’elles sont dangereuses pour la santé.

Les plantes ayant besoin d’eau pour se développer, l’agriculture en est le principal consommateur. La surexploitation de certaines régions agricoles, telle que l’Andalousie, menace les stocks d’eau qui y sont déjà limités. Dans d’autres régions, ce n’est pas la quantité, mais la qualité qui est menacée. Comme elle utilise toujours plus d’engrais chimiques et de pesticides, l’agriculture intensive pollue et détériore la qualité des nappes phréatiques. En Bretagne, à cause de l’agriculture et de l’élevage de porcs intensif, l’eau du robinet n’est plus potable[35]. Étant indispensable à l’agriculture, l’eau est une ressource stratégique dont le contrôle peut être une cause de tensions politiques et de conflits. Le territoire d’Israël étant en grande partie aride, l’eau est une ressource stratégique majeure. Le contrôle de l’eau de la vallée du Jourdain est donc l’une des causes du conflit qui oppose les Israéliens aux Palestiniens[36]. À terme, la surexploitation agricole et industrielle, les sécheresses et la pollution des stocks d’eau utiles risquent de provoquer une pénurie, dont les conséquences seront une hausse des prix, une baisse des rendements agricoles et donc, une augmentation des famines, des émeutes et des guerres.

Afin de limiter son gaspillage, le ministère de l’Écologie finance des campagnes à destination des ménages. Étant donné que c’est l’agriculture qui consomme le plus d’eau utile, c’est à ce secteur que l’État devrait s’adresser. Avant de proposer des solutions pour la réduire, il est nécessaire d’identifier les secteurs agricoles qui en consomment le plus. Le graphique ci-dessous présente le nombre de litres d’eau nécessaire pour produire un kilogramme de nourriture.

–  Source : Sénat, Eau : Urgence déclarée[37] et FAO, L’utilisation de l’eau en agriculture[38].

Ce graphique montre que la production d’un kg de viande de bœuf, d’agneau et de volaille nécessite entre 6 000 et 13 500 litres d’eau, que celle d’un kg de blé, de légumineuse (haricot, lentille, etc…), de pomme de terre et de maïs nécessite entre 500 et 1 000 litres et que celle d’un kg de salades et de tomates nécessite entre 20 et 100 litres. Puisque c’est la production d’un kg de viande qui en utilise le plus, si la population des pays industrialisés remplaçait les trois quarts de sa consommation de protéines animales par des protéines végétales (haricot, lentille, soja, quinoa, etc…), il serait possible de réduire considérablement la consommation d’eaux utiles. Ce changement de régime alimentaire permettrait d’en finir avec l’élevage intensif et la déforestation, de favoriser le renouvellement des sols et de réduire la consommation d’eau utile, la taille des surfaces agricoles et les rejets de méthane provoqués par la flatulence du bétail. Puisque la production de protéines végétales génère moins d’activités économiques que la production de protéines animales, ce changement de régime alimentaire ne favorisera pas la relance de la croissance du PIB.

Il n’y a pas que l’agriculture et l’élevage intensifs qui détériorent la qualité des sols et des stocks d’eau utiles. Elle l’est également par les rejets de déchets industriels et domestiques.

  • La croissance aurait-elle un lien avec la hausse des déchets ?

Chaque jour, les entreprises et les ménages rejettent des milliers de tonnes de déchets industriels et domestiques. En 2012, tandis qu’un français rejetait en moyenne 521 kg/hab de déchets municipaux, un américain en rejetait 725 kg/hab, soit 39 % de plus[39]. Avant de proposer des solutions pour réduire les déchets domestiques, il est nécessaire d’identifier les causes de leur augmentation. Le graphique ci-dessous présente la croissance des déchets domestiques parisiens par types et kg/hab de 1940 à 2004.

–  Source : Preisser Pierre et Haddag Lyes, Expliquer la production de déchets ménagers parisiens sur la période de 1949-2004[40].

Ce graphique montre que de 1940 à 2004, le kg de déchets domestiques par habitant d’un parisien est passé de 239 à 566 kg/hab, soit une hausse de 137 %. Sur 64 ans, la part des déchets en papier, en carton, en verre, en plastique et en métal est progressivement passée de moins de 15 % à plus de 60 %. La hausse de ces déchets est en grande partie provoquée par l’usage croissant de prospectus en papier, d’emballage en carton, de conserves et de canettes métalliques ainsi que de bouteilles, de bocaux et de canettes en verre et en plastique. En favorisant la commercialisation de produits alimentaires transformés identifiés par une marque au détriment de produits en vrac, les grandes surfaces alimentaires ont contribué à l’augmentation des emballages. Cette hausse est donc le résultat de l’augmentation de l’offre de produits alimentaires transformés, de l’accélération du rythme de l’ère du jetable et du gaspillage encouragée par la société de consommation.

Pour lutter contre la hausse des déchets, le gouvernement finance des campagnes de sensibilisation destinées aux ménages. Au lieu de proposer des solutions qui remettraient en question la société de consommation, il fait la promotion du tri sélectif et du recyclage. Même si les emballages cartonnés, les prospectus, les bouteilles en plastique, les canettes métalliques ou en verres, etc… sont censés être recyclés, seule une partie infime de ces déchets le sont réellement. Le meilleur déchet étant celui qui n’est pas produit, pour les réduire, il est nécessaire d’encourager un changement des habitudes de consommation. Par exemple, acheter des produits en vracs, favoriser la production locale et les circuits courts, manger des produits frais plutôt que des produits transformés, etc… Étant donné que le gaspillage et la hausse des déchets domestiques favorisent la croissance du PIB et donc, la création d’emplois, le gouvernement ne fait pas la promotion d’un modèle de consommation qui serait réellement plus sobre et respectueux de l’environnement.

Il n’y a pas que les ménages qui rejettent des déchets. En 2012, l’activité économique produisait 315 millions de tonnes (Mt) de déchets. Le graphique ci-dessous présente la part de la production de déchets par secteur d’activité en 2012.

–  Source : Eurostat – RSD[41]

Ce graphique montre que 78% des déchets sont produits par la construction. Elle est suivie de très loin par l’industrie (8 %), le tertiaire (7 %), le traitement des déchets (6 %), ainsi que par la production d’énergie, l’agriculture et la pêche (1 %). Les déchets liés à la construction et aux BTP sont composés à 72 % de déchets inertes (pavés, gravats, béton, carrelage, etc…), à 26 % de déchets non dangereux (métaux, bois non traités, cartons, isolants, etc…) et à 2 % de déchets dangereux pour l’environnement et la santé (peintures, goudrons, amiante, hydrocarbures, emballages souillés, terres polluées, etc…)[42]. Étant recyclables, les déchets inertes et non dangereux, qui représentent 98 % des déchets, feront peut-être l’objet de revalorisation. Les déchets industriels sont composés de produits chimiques, de substances toxiques et de métaux lourds (mercure, cadmium, etc…) qui polluent l’air, les sols, les fleuves, les côtes et les mers. Même si les entreprises concernées par ces déchets ont le devoir de les emballer, de les étiqueter et de les stocker pour qu’ils ne nuisent pas à la santé et à l’environnement, au nom des profits et de la création d’emplois, ils le sont souvent à moindres frais. L’exemple des boues rouges de l’usine Alteo de Gardanne en est une parfaite illustration[43]. Depuis 1967, au nom de la préservation de l’emploi, les élus locaux et la préfecture de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur autorisent cette usine à rejeter des métaux lourds (arsenic, fer, mercure, silice, titane, etc…) dans la Méditerranée, au détriment de l’environnement et de risques sanitaires.

Les déchets agricoles sont composés pour l’essentiel de cadavres d’animaux, de films plastiques usagés, d’emballages vides et non utilisés de produits phytosanitaires (engrais chimiques et pesticides) et de biodéchets. Les biodéchets, qui correspondent aux déchets organiques issus des récoltes et des déjections des animaux (fumiers, lisiers, etc…), dégradent et polluent l’état des sols, des nappes phréatiques et des côtes. En Bretagne, à cause de l’augmentation des nitrates provoqués par l’épandage de lisiers, l’eau du robinet n’est plus potable[44]. Ces nitrates polluent les nappes phréatiques et favorisent la prolifération d’algues toxiques qui épuisent l’oxygène des mers. Tous ces rejets, qui dépassent les capacités d’absorption des sols, des fleuves et des océans, contribuent à l’épuisement des terres et des mers et donc, à la disparition de la biodiversité.

Cette étude montre que la dégradation de la qualité de l’eau, de l’air et des sols est due à l’agriculture et à l’élevage intensif, au modèle alimentaire carnée, à l’industrie, aux transports routiers et maritimes, aux rejets de déchets domestiques et industriels et à la société de consommation. Puisque ces dégradations progressent au rythme de la croissance du PIB, elle a des conséquences néfastes pour la santé, la qualité de vie et la survie de l’espèce humaine à court, moyen et long terme. Une fois de plus, la volonté de soutenir un taux de 5,5 % par an pendant 5 ans n’apparaît pas comme une solution viable et donc, envisageable pour en finir avec le chômage.

Non seulement la qualité de l’eau, de l’air et des sols est indispensable à la survie de l’espèce humaine, mais en plus, elle est nécessaire au renouvellement des ressources biologiques.

Jean-Christophe Giuliani

 

Cet article est extrait de l’ouvrage « En finir avec le chômage : un choix de société ! ». Ce livre permet d’appréhender les enjeux du choix entre la relance de la croissance du PIB ou de la réduction du temps de travail. Vous pouvez le commander sur le site des Éditions du Net sous un format ePub ou Papier.


Pour accéder aux pages suivantes :

– La croissance du PIB serait-elle responsable du réchauffement climatique ?

– La croissance du PIB épuiserait-elle les stocks de matières premières ?

– La croissance du PIB menacerait-elle la biodiversité ?

 


[24] CITEPA, Polluants atmosphériques et gaz à effet de serre, [En ligne] (consulté le 21 octobre 2016), http://www.citepa.org/fr/air-et-climat/polluants/poussieres-en-suspension.

[25] Ibid.

[26] Ibid.

[27] Airparif, Le carbone suie : enjeu présent et futur, [En ligne] (consulté le 9 novembre 2016), http://www.airparif.asso.fr/actualite/detail/id/127

[28] Ibid

[29] FAO, Les sols sont en danger, mais la dégradation n’est pas irréversible, [En ligne] (consulté le 10 novembre 2016), http://www.fao.org/news/story/fr/item/357221/icode/

[30] Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, L’utilisation des engrais azotés en France, [En ligne] (consulté le 10 novembre 2016), http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lessentiel/ar/2396/0/lutilisation-engrais-azotes-france.html

[31] Ibid.

[32] Wikipédia, Impact environnemental de l’élevage, [En ligne] (consulté le 4 janvier 2019), https://fr.wikipedia.org/wiki/Impact_environnemental_de_l%27%C3%A9levage

[33] Sénat, Eau : Urgence déclarée, rapport d’information n 616, déposé le 19 mai 2016, [En ligne] (consulté le 24 novembre 2016), http://www.senat.fr/rap/r15-616/r15-616_mono.html

[34] Ibid.

[35] Delhommais Pierre-Antoine (2013), Bretagne, tout n’est pas bon dans le cochon !, Le Point, [En ligne] (consulté le 12 décembre 2018), https://www.lepoint.fr/environnement/bretagne-tout-n-est-pas-bon-dans-le-cochon-30-10-2013-1749816_1927.php

[36] Amiot Hervé (2013), Eau et conflits dans le bassin du Jourdain, Les clés du Moyen-Orient, [En ligne] (consulté le 12 décembre 2018), https://www.lesclesdumoyenorient.com/Eau-et-conflits-dans-le-bassin-du-Jourdain.html

[37] Ibid.

[38] FAO, Chapitre trois – L’utilisation de l’eau en agriculture, [En ligne] (consulté le 24 novembre 2016), http://www.fao.org/docrep/007/y4683f/y4683f07.htm

[39] OCDE, Déchets municipaux Total, Milliers de tonnes, 1975 – 2014, [En ligne]. (consulté le 30 novembre 2016), https://data.oecd.org/fr/waste/dechets-municipaux.htm. Par déchets municipaux, on entend les déchets collectés et traités par ou pour les communes. Ils comprennent les déchets des ménages, y compris les encombrants, les déchets assimilés produits par les activités commerciales, les bureaux, les institutions et les petites entreprises, ainsi que les déchets d’entretien des jardins et des espaces verts, les déchets de nettoiement de la voirie, le contenu des poubelles publiques et les déchets des marchés s’ils sont traités comme des déchets ménagers. La définition exclut les déchets issus de l’assainissement des eaux usées urbaines, ainsi que les déchets des activités de construction et de démolition. Cet indicateur est mesuré en milliers de tonnes et en kilogrammes par habitant.

[40] Preisser Pierre et Haddag Lyes, Expliquer la production de déchets ménagers parisiens sur la période 1949-2004, [En ligne] (consulté le 30 novembre 2016), http://www.memoireonline.com/05/07/449/production-dechets-menagers-parisiens-1949-2004.html

[41] ADEM, Déchets chiffres clés, [En ligne] (consulté le 15 mars 2017), http://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/dechets_chiffres-cles2016_8813.pdf

[42] FFB.com, Déchets de chantier, les réponses aux questions que vous vous posez, [En ligne] (consulté le 30 décembre 2016), http://www.dechets-chantier.ffbatiment.fr/res/dechets_chantier/PDF/Dechets_QR_231014_V5protege.pdf

[43] Le Monde.fr, Boues rouges de Gardanne : quand l’Etat accorde des permis de polluer, [En ligne] (consulté le 30 décembre 2016), http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/02/01/permis-de-polluer_4856881_3244.html

[44] Delhommais Pierre-Antoine (2013), Bretagne, tout n’est pas bon dans le cochon !, Le Point, Op-Cit.