Les relations affectives, qui peuvent être amicales, amoureuses ou familiales, sont indispensables au bien-être intérieur et au développement de l’estime de soi. En s’associant entre eux, les plages horaires de temps libre, les ateliers de développement personnel et les nouvelles pratiques de socialisation et d’expression favoriseront l’émergence de la vie affective fondée sur le mode « être » au détriment du mode « avoir ». Ce processus contribuera à la transformation radicale des relations amicales, amoureuses et familiales.
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Favoriser les relations amicales fondées sur le mode « être ».
Les relations amicales correspondent à celles qui sont « choisies ». L’amitié repose sur la qualité de la relation, le partage, l’écoute et l’attention accordée à l’autre. Elle se nourrit de la confiance, du respect des confidences et de la possibilité de se montrer tel que l’on « est ». La capacité à créer des liens durables repose sur l’équilibre affectif et relationnel de l’individu.
Étant donné qu’il disposera de 4 jours de temps libre, l’individu aura la possibilité de participer à des ateliers des développements personnels et de pratiquer une activité qui répond à ses aspirations. En participant à des ateliers de développement personnel, il apprendra à mieux se connaître. En se libérant de ses blessures affectives et de ses complexes, il sera moins perturbé par ses peurs, ses angoisses et ses problèmes psychologiques. Étant moins préoccupé par lui-même, il sera davantage à l’écoute des autres. Il sera donc plus apte à vivre des relations amicales enrichissantes, épanouissantes et durables. En s’acceptant et en s’aimant pour ce qu’il « est », il apprendra à tisser des relations avec les autres pour ce qu’ils « sont » et non de ce qu’ils « ont ». En pratiquant une activité qui répond à ses aspirations, l’individu aura les moyens de se socialiser et de créer des liens amicaux avec des personnes qui partagent des centres d’intérêt et des projets communs. En se généralisant, la rencontre d’individus animer par la même passion favorisera la créativité et le dynamisme de la société. En se socialisant et en tissant des liens à partir de ce qu’il « est » réellement, l’individu provoquera l’effondrement du mode « avoir » au profit du mode « être ».
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Favoriser les relations amoureuses fondées sur le mode « être ».
Une relation amoureuse épanouie permet de nourrir l’estime de soi. La capacité à créer une relation amoureuse durable repose sur l’équilibre affectif et relationnel de l’individu. En effet, une relation construite sur un manque à combler ne dure jamais longtemps. La qualité de la relation amoureuse repose sur la confiance, la possibilité de se montrer tel que l’on « est », ainsi que sur la connaissance de l’autre. Elle se nourrit également de centres d’intérêt, de projets et d’aspirations que le couple partage en commun. Actuellement, le projet commun du couple se limite bien souvent à se marier, à avoir des enfants et à acheter une maison à rénover, à décorer, à meubler et à équiper. Ces projets réalisés, s’il n’en trouve pas d’autres à partager, le couple se sépare par ennui ou se poursuit par habitude.
Avoir un emploi est une condition préalable à la rencontre amoureuse. Souvent, l’homme qui n’a pas trouvé sa partenaire sur les bancs de la fac commencera par sécuriser sa situation professionnelle. En effet, le fait « d’avoir » un emploi stable et sécurisé est essentiel à l’équilibre psychologique de l’individu. L’emploi procure une confiance en soi qui manque souvent à celui qui est au chômage. Mais surtout, à l’occasion d’une rencontre amoureuse, la phrase qui revient souvent en début de conversation est celle-ci : « Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? » Dans ce cas, il vaut mieux répondre « je suis consultant » « qu’actuellement, je suis au chômage ». Même si certaines femmes ont du mal à l’accepter, l’un des critères du choix d’un partenaire est davantage lié ce qu’il « a » qu’à ce qu’il « est ». Tant que le sentiment amoureux est plus important que la volonté de fonder un foyer, c’est l’attirance physique et la personnalité et donc, ce qu’« est » la personne qui prime sur ce qu’il « a ». Le sentiment amoureux est davantage présent lorsque la femme est jeune, qu’elle est étudiante ou qu’elle n’est pas encore motivée à avoir des enfants. Lorsqu’une femme cherche à fonder un foyer, inconsciemment, elle privilégie l’homme qui sera le plus apte à la protéger et à lui procurer la sécurité et le confort matériel dont elle aura besoin. C’est à dire, celui qui a le statut social et le revenu le plus élevé. Cela ne veut pas dire que la personnalité, les atouts physiques, l’attrait du visage, l’intelligence, le charisme et l’humour ne sont pas importants. À niveau égal, celui qui « a » l’emploi le plus sécurisé, le mieux rémunéré et le plus valorisant est favorisé. Il suffit qu’un homme qui dispose de toutes les qualités indique sur Meetic qu’il est au RSA pour que le nombre de ses contacts s’effondre. Ce mode de sélection ne relève pas de malveillant ou de mépris. En effet, une femme peut apprécier un homme pour ce qu’il « est », comme ami ou amant, mais pas comme partenaire pour fonder un foyer. Étant donné que ce qu’il « a » est censé être ce qu’il « est », le choix d’un partenaire repose donc davantage sur le mode « avoir » que sur le mode « être ».
En sécurisant l’accès aux subsistances et à un minimum de confort matériel, la réduction de la semaine de travail à 3 jours favorisera les relations amoureuses fondées sur le mode « être ». N’étant plus contrainte de choisir un partenaire en fonction de la sécurité matérielle qu’il procure, la femme aura la liberté de choisir celui qui répond à ses aspirations. Ainsi, les critères de choix d’une relation ne seront plus le revenu et la sécurité matérielle, mais les qualités, les aptitudes et la personnalité réelle de l’être aimé. En suivant des ateliers de développement personnel, l’homme et la femme apprendront à s’accepter et à s’aimer pour ce qu’ils « sont » réellement. Il ou elle s’appréciera pour ses forces et faiblesses, ses qualités et défauts, ses joies, ses peurs, ses doutes et ses angoisses. En apprenant à se connaître, ils apprendront à accepter et à aimer l’autre pour ce qu’il « est » réellement. L’amour vécu sur le mode « être » contribue à accroître l’intensité de la vie et à accompagner l’autre sur le chemin de l’accomplissement de soi.
Les relations amoureuses se tissent souvent entre des personnes qui proviennent du même milieu social. Les raisons de ce mimétisme sont relativement simples à appréhender. Avant de tomber amoureux, il faut bien commencer par se rencontrer. Les rencontres sont donc favorisées par les lieux, les relations ou les activités partageaient en commun (études, travail, vacances, rallyes, soirées entre amis, etc.). Quel que soit son milieu social d’origine, chaque individu aura la liberté de pratiquer l’activité qui répond à sa vocation. En permettant la rencontre entre individus qui partagent une vocation commune plutôt qu’un milieu social commun, ce processus favorisera la mixité sociale. Ce ne sera donc plus le milieu social d’origine, mais la pratique d’une activité commune qui favorisera les rencontres amoureuses. En favorisant les rencontres sur le mode « être », les 4 jours de temps libre provoqueront donc un changement société.
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Favoriser le modèle « d’incitation personnelle » au sein des familles.
La famille, qui englobe le père, la mère et les enfants, ainsi que les grands-parents et les cousins, est le pilier central de la société. Étant le premier lieu de socialisation de l’enfant, le cercle familial lui transmet une éducation, des normes, des valeurs et des croyances, ainsi que des habitus primaires, des complexes et un code de langage plus ou moins élaboré[1]. Le développement des facultés intellectuelles, relationnelles et psychologiques de l’enfant est étroitement lié au niveau de maturité de ses parents. Son développement harmonieux nécessite la présence de parents aimants et réellement adultes, ainsi qu’un environnement familial relativement stable et sécurisé.
La nécessité de travailler 5 jours par semaine déstabilise la vie de famille. Étant donné que les deux parents travaillent, ils n’ont plus le temps de s’occuper de leurs enfants. À cause de la flexibilité et des horaires décalés, le couple n’a plus de vie commune. En ne partageant plus rien en commun, ils deviennent des étrangers l’un pour l’autre. Tandis que le célibataire aspire à une vie de famille idéalisée, le couple marié la perçoit comme un sacrifice, une perte de liberté et un frein à l’accomplissement. En ayant des enfants, la femme abandonne son statut de femme pour celui de mère. Le temps consacré à l’activité professionnelle, aux enfants et aux tâches domestiques, ne peut pas être consacré à des activités personnelles. Étant donné qu’ils travaillent tous les deux, le partage équitable des tâches domestiques provoque des tensions au sein du couple. Le couple étant fragile, si l’homme perd son emploi et n’en retrouve pas un rapidement, il risque de se séparer. Le chômage, les tâches domestiques, le besoin de s’accomplir et le manque de temps pour soi fragilisent le lien familial. Tandis qu’en 1968, 36 036 coupes avaient divorcé, ils étaient 121 849 en 2013, soit une hausse de 238 %[2]. Au lieu d’être l’exception, le divorce est désormais la norme. En 2013, pour 100 mariages, 46,2 couples ont divorcé. L’augmentation des divorces, des familles monoparentales et des couples recomposés sont les symptômes d’un malaise social profond.
En sécurisant l’accès aux subsistances et à un minimum de conforts matériels, la semaine de 3 jours favorisera la stabilité des familles. Le rétablissement de l’équilibre, entre le temps professionnel, familial, personnel et social, permettra à l’individu de se consacrer à sa vie de famille, sans sacrifier ses aspirations personnelles. En n’étant plus un frein à l’accomplissement de soi, la famille redeviendra un espace de socialisation profondément structurant et enrichissant. La participation à des ateliers de développement personnel permettra aux parents de se connaître davantage et de gagner en maturité. Étant plus à l’écoute d’eux-mêmes, ils seront plus aptes à écouter et donc, à construire une relation adulte et constructive avec leur conjoint, leurs enfants, leurs parents et les autres membres de la famille. En apprenant à se connaître et à s’aimer pour ce qu’ils « sont », les parents s’intéresseront à leurs enfants pour ce qu’ils « sont ».
En s’intéressant aux membres de sa famille pour ce qu’ils « sont », le couple favorisera le « mode d’incitation personnel » au détriment du « mode d’incitation positionnel »[3]. La famille qui applique le contrôle sur le « mode d’incitation positionnel » établit le rapport entre les individus sur des valeurs, des règles et des critères objectifs quantifiables reconnus par la société, telle que le statut social, le revenu, le niveau du diplôme, le grade, l’âge, le sexe, etc. L’autorité des membres de la famille repose davantage sur ce qu’ils « ont » que sur ce qu’ils « sont » réellement. L’initiative des prises de décisions étant détenue par ceux qui en « ont » le plus, ce modèle familial favorise le mode « avoir » au détriment du mode « être ». Ce modèle familial étant immature sur le plan psychologique, il est favorable au conformisme, à l’obéissance à la hiérarchie sociale et au maintien de l’ordre économique.
La famille qui applique le contrôle sur le « mode d’incitation personnel » encourage l’individu à tenir sa place en respectant sa singularité. Dans cette famille, les décisions qui concernent le vivre ensemble résultent d’une délibération de type démocratique. Quel que soit son statut social, son revenu, son âge et son sexe, chaque membre a le droit de contribuer au débat et aux prises de décision qui concernent l’organisation du vivre ensemble. Les responsabilités sont réparties équitablement en fonction des compétences, des aptitudes et des capacités d’initiatives de chacun des membres. Étant donné que l’individu est davantage pris en considération pour ce qu’il « est », ce modèle familial est favorable au mode « être ». Étant propice au questionnement, aux principes démocratiques et à la remise en question des normes établies, ce modèle familial menace la légitimité de l’élite économique et donc, l’ordre établi.
En accélérant la généralisation du modèle familiale qui applique le « mode d’incitation personnel », les 4 jours de temps libre favoriseront l’émergence de la démocratie participative et donc, un changement profond de société.
Jean-Christophe Giuliani
Cet article est extrait de l’ouvrage « En finir avec le chômage : un choix de société ! ». Ce livre permet d’appréhender les enjeux du choix entre la relance de la croissance du PIB ou de la réduction du temps de travail. Vous pouvez le commander sur le site des Éditions du Net sous un format ePub ou Papier.
Pour accéder aux pages suivantes :
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– Les enjeux de l’intégration sociale et du sens de la vie.
– Les enjeux du temps libre et de son aménagement
– Suivre une journée de formation par semaine
– Favoriser la pratique d’activités émancipatrices
– Comment favoriser la démocratie participative ?
– Pourquoi les 4 jours de temps libre sont-ils un choix de société ?
[1] Bernstein Basil, Langage et classe sociales : codes socio-linguistiques et contrôle social, Paris, Les éditions de Minuit, 1975
[2] Insee, Divorces et divortialité jusqu’en 2014, estimations de population et statistiques de l’état civil ; SDSE, France métropolitaine.
[3]. Bernstein Basil, Langage et classe sociales : codes socio-linguistiques et contrôle social, Paris, Les éditions de Minuit, 1975, page 209 à 210.