Jean-Christophe Giuliani
L’individu et le temps étant étroitement liés dans l’action qui se vit au présent, il est impossible de se consacrer à une action, à une relation ou à une discussion sans être présent physiquement et temporellement. Pour se nourrir, un individu doit consacrer du temps à chasser, à cueillir, à cultiver ou à travailler en échange d’un salaire. En vendant son temps, le salarié en perd la propriété et, donc, la liberté d’en faire un usage personnel. Étant donné que le temps libre et son aménagement déterminent les moyens de se socialiser, de définir son identité, de structurer le rythme de son existence, de nourrir l’estime de soi, de se distinguer, de s’affirmer et de s’accomplir, ils ont un impact direct sur le mode de vie et la qualité de vie d’un individu. Pour le démontrer, je commencerai par définir et quantifier le temps libre dont il dispose. S’il en manque, je présenterai les moyens à sa disposition pour en retrouver.
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Définir le temps libre.
Le temps libre est souvent défini en opposition au temps contraint du travail. Le temps peut être considéré comme libre, lorsque le choix de son usage n’est plus soumis aux nécessités de la vie et à des activités contraintes. En effet, sept jours par semaine, un individu doit dormir et effectuer un certain nombre de tâches quotidiennes : hygiène personnelle, préparer le petit déjeuner et le repas du soir, faire la vaisselle, etc… Cinq jours par semaine, il prend sa voiture pour se rendre sur son lieu de travail. À midi, il prend un temps de pause pour se détendre et déjeuner. Étant donné que le temps de trajet et la pause sont inhérents à l’activité professionnelle, je considère qu’ils font partie du temps de travail. La journée de travail terminée, une nouvelle commence. En effet, chaque jour, l’individu est plus ou moins contraint d’effectuer un certain nombre de tâches domestiques : faire les courses et le ménage, laver et repasser le linge, remplir des documents administratifs, etc… S’il est marié et qu’il a des enfants, il doit leur consacrer du temps pour les nourrir, les coucher, les aider à faire leurs devoirs, les accompagner à l’école, etc… L’individu dispose donc d’un temps réellement libre lorsqu’il a fini de dormir, de travailler et d’effectuer ses tâches quotidiennes et domestiques. N’étant plus soumis à la nécessité, ce temps libre, il peut le consacrer à se détendre, à se divertir, à pratiquer des activités personnelles ou le partager avec son conjoint, ses enfants ou ses amis. Encore faut-il qu’il dispose de temps libre.
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Quantifier le temps libre dont dispose un individu.
Le temps libre étant défini, il est possible de le quantifier. Sur le plan individuel, le temps est une ressource immatérielle limitée qui peut être quantifiée par l’horloge sous la forme d’heures, de minutes et de secondes. Puisqu’une année comprend 8 760 heures et que l’espérance de vie moyenne est de 78 ans, la durée de vie moyenne d’un individu est de 683 280 heures, de 409 968 000 minutes ou de 2 459 808 000 secondes. S’écoulant seconde après seconde au rythme de la trotteuse, le temps de vie d’un individu ne peut pas être stocké. À l’inverse de l’argent, du pétrole et des matières premières, il est impossible de stocker une heure, une journée, un mois ou une année pour l’utiliser ultérieurement, la donner ou la vendre. Le seul moyen d’augmenter son temps de vie est donc d’en augmenter sa durée.
En ce qui concerne le temps libre, son accroissement ne relève pas uniquement de l’augmentation de la durée de vie, mais du temps consacré à l’activité professionnelle, aux soins personnels, ainsi qu’aux tâches quotidiennes et domestiques. Pour le calculer, je commencerai par réaliser l’inventaire des parts consacrées aux grands blocs de temps qui structurent le rythme de vie d’un individu sur la journée, la semaine et 40 années de vie active. Étant donné que la durée de travail d’un employé et d’un cadre n’est pas la même, pour effectuer ces calculs, je prendrai les exemples de Pierre et de Paul. Pierre, qui est un agent de la fonction publique, est gestionnaire-conseil allocataires à la caisse d’allocations familiales. Paul est chef de secteur et donc, cadre dans la grande distribution. Ils sont tous les deux mariés et ont deux enfants.
La durée de vie active de Pierre et de Paul est de 40 années. Tandis que Pierre travaille 7 h par jour, soit 35 heures par semaine, Paul travaille 10 h, soit 50 heures. Ayant droit à 5 semaines de congés payés, 11 jours fériés et 2 jours de repos hebdomadaire, Pierre travaille en moyenne 224 jours par an. Au forfait jours depuis la loi du 20 août 2008, Paul travaille 235 jours par an. Même si le sommeil est un besoin vital, les heures consacrées à dormir ne permettent pas de pratiquer d’autres activités. Je calculerai donc la part des blocs de temps consacrés à l’activité professionnelle, aux tâches quotidiennes et domestiques, ainsi qu’au temps libre sur la durée de vie éveillée. Afin d’effectuer ces calculs, j’utiliserai le tableau de regroupement des activités journalières de l’Insee.
– Source : Insee, Temps sociaux et temps professionnels au travers des enquêtes Emploi du temps[1].
– Sommeil*: En moyenne, les hommes y consacrent 8 h 23 et les femmes 8 h 37.
Les trois graphiques ci-dessous présentent la répartition des ressources temporelles éveillées de Pierre et de Paul sur la journée, la semaine et 40 années de vie active. Qu’il soit employé ou cadre, une journée dure toujours 24 heures.
Considérant ces chiffres dans l’absolu, Pierre et Paul dorment 8 h 30 par jour. Étant plus ou moins contraints d’effectuer 5 h 03 de tâches quotidiennes et domestiques, ils consacrent 32,6 % de leur journée éveillée à effectuer des tâches qui ne sont pas du temps libre. Travaillant 7 h, prenant 2 h de pause à midi et perdant 1 h dans les trajets, Pierre consacre 10 heures, soit 64,5 % de sa journée éveillée à travailler. À la fin de sa journée, Pierre dispose de seulement 33 minutes de temps libre, soit 2,9 % de ses 15 h 30 de vie éveillée. Travaillant 10 h, prenant 2 h de pause à midi et perdant 1 h dans les trajets, Paul consacre 13 heures, soit 82,8 % de sa journée éveillée à travailler. À la fin de sa journée, Paul ne dispose pas d’un excédent, mais d’un déficit de 2 h 33, soit -16,5 % de sa vie éveillée. Ce calcul explique pourquoi 35 % des cadres ont beaucoup de difficultés à concilier une vie professionnelle et une vie privée[2]. Avant de se détendre, de penser un peu à lui, de pratiquer des activités personnelles ou de consacrer du temps à ses enfants, à sa femme ou à ses amis, il doit commencer par combler ce déficit de temps.
Un emploi du temps étant planifié sur la semaine, je propose de calculer le temps libre hebdomadaire dont disposent Pierre et Paul. Qu’il soit employé ou cadre, une semaine dure 168 heures.
Considérant toujours ces chiffres dans l’absolu, Pierre et Paul dorment 60 heures par semaine. Étant plus ou moins contraints d’effectuer 36 heures de tâches quotidiennes et domestiques, ils consacrent 32,7 % de leur semaine de vie éveillée à effectuer des tâches qui ne sont pas du temps libre. Travaillant 50 heures, Pierre consacre 46,3 % de sa semaine éveillée à travailler. Pierre dispose donc de 23 heures de temps libre, soit 21,4 % de ses 108 heures de vie éveillée. Travaillant 65 heures, Paul consacre 60,2 % de sa semaine éveillée à travailler. Paul dispose donc de seulement 8 heures de temps libre, soit 7,5 % de sa semaine éveillée. Disposant de très peu de temps libre, Paul a beaucoup de difficulté à trouver un équilibre entre sa vie professionnelle, familiale et personnelle. La plupart du temps, il sacrifie sa vie de famille et personnel au profit de « sa carrière ». Selon un sondage paru en 2015, 93 % des sondés estimaient que l’équilibre des temps de vie professionnelle, familiale et associative est une préoccupation « très importante ». L’équilibre n’étant pas atteint, 71 % des salariés affirment manquer de temps pour profiter de leurs proches ou de leurs loisirs[3]. Il n’y a pas que les salariés qui manquent de temps libre. À cause du manque de temps, un dirigeant d’entreprise sur deux a du mal à concilier une vie professionnelle et personnelle et 69 % déclarent consacrer moins de temps à des activités physiques et de loisirs[4].
Après avoir calculé le temps libre sur une journée et une semaine, je propose de calculer le temps libre dont disposent Pierre et Paul sur une durée de vie active éveillée de 40 ans. Qu’il soit employé ou cadre, 40 années de vie active durent 350 000 heures.
Considérant toujours ces chiffres dans l’absolu, Pierre et Paul consacrent 124 000 heures de leurs 40 années de vie active à dormir. Étant plus ou moins contraints d’effectuer 73 000 heures de tâches quotidiennes et domestiques, ils consacrent 32,6 % de leurs 226 000 heures de vie active éveillée à des tâches qui ne sont pas du temps libre. Travaillant 89 000 heures (travail + pause midi + trajet), Pierre consacre 39,6 % de sa durée de vie active éveillée à travailler. Pierre dispose donc de 62 000 heures de temps libre, soit 27,8 % de sa vie active éveillée. Travaillant 122 000 heures, Paul consacre 54 % de sa durée de vie active éveillée à travailler. Paul dispose donc de 30 000 heures de temps libre, soit 13,4 % de sa vie active éveillée.
Que ce soit pour Paul ou pour Pierre, le temps de travail est le bloc de temps social dominant sur la journée, la semaine et les 40 années de vie active éveillée. Tandis que, pour Pierre, le temps libre apparaît comme le second bloc de temps social, pour Paul, il disparaît derrière les tâches quotidiennes et domestiques. Afin d’en retrouver, Paul est donc obligé de trouver des solutions pour réduire le temps qu’il leur consacre.
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Comment retrouver du temps libre ?
La quantification du temps sur la journée, la semaine et les 40 années de vie active met en évidence que la ressource la plus précieuse et la plus rare est le temps libre. Le temps libre apparaît donc comme une ressource immatérielle, dont la valeur ne cesse d’augmenter en fonction de sa rareté. La préoccupation que partagent les entreprises avec les ménages et les individus est donc la course contre le temps. Disposant de très peu de temps libre, si l’employé ou le cadre souhaite se reposer, se divertir, consacrer du temps à ses enfants, à sa famille ou à ses amis ou pratiquer de nouvelles activités librement choisies, il est obligé de réduire le temps qu’il consacre à l’activité professionnelle, ainsi qu’aux tâches quotidiennes et domestiques.
Le tableau ci-dessous présente les moyens à la disposition de Pierre et de Paul pour retrouver du temps libre.
Concernant l’activité professionnelle, Pierre et Paul peuvent réduire leur temps de travail. En s’appuyant sur l’article L 3123-5 du Code du travail[5], Paul a le droit de déposer une demande de travail à temps partiel auprès de son employeur. Son souhait de travailler 4 jours par semaine risquerait d’être perçu comme un signe de démotivation et de désengagement. À cause de cette demande, il pourrait voir sa carrière stagner ou être remplacé par un autre qui ne compterait pas ses heures. En étant plus productif, Paul pourrait également réduire son temps de travail à 9 ou à 8 heures par jours. Comme il est payé pour être toujours plus productif, son efficacité n’est pas destinée à réduire son temps de travail, mais à s’impliquer davantage. Si Paul souhaite évoluer ou conserver son emploi, il lui sera donc conseillé de travailler au minimum 10 h par jour. Pour retrouver du temps libre, il ne lui reste plus que deux solutions : utiliser sa voiture pour se rendre sur son lieu de travail au plus vite et limiter le temps de sa pause de midi à 1 h par jour.
Pierre est un agent de la fonction publique. Des décrets lui donnent le droit de travailler à temps partiel ou d’aménager son temps de travail sur l’année[6]. En utilisant le décret n°2000-815 du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail, il a le droit de travailler 17 h 30, soit 2,5 jours par semaine. En utilisant le décret n°2002-1072 du 7 août 2002 relatif au temps partiel annualisé, Pierre a également le droit d’aménager ses 807 heures de travail annuel en travaillant uniquement 6 mois dans l’année. Comme son temps de travail sera divisé par deux, sa rémunération sera également divisée par deux. Sa rémunération étant annualisée, qu’il travaille ou pas, il percevra le même revenu chaque mois. Lorsqu’il travaillera, pour gagner du temps, il pourra également utiliser sa voiture et prendre 1 h de pause à midi.
Concernant les tâches quotidiennes et domestiques, le couple de Pierre et de Paul peut mettre en œuvre diverses stratégies pour retrouver du temps libre. Si Pierre a uniquement besoin de dormir 6 h par nuit, il gagnera 2 h 30 de temps libre par jour. Même s’il est marié et qu’il a deux enfants, il dispose de nombreux moyens pour retrouver du temps libre. Au lieu de perdre 1 h 30 à dîner en famille, il peut y consacrer 30 min. Comme le temps consacré à ce repas contribue à renforcer le lien entre les membres de la famille, sa réduction risque d’affaiblir la cellule familiale. Les 2 h 48 destinées aux tâches domestiques, Pierre peut les déléguer à sa femme et à ses enfants. Afin d’éviter de perdre du temps avec ses enfants, il peut en déléguer la charge à sa femme ou les laisser regarder la télévision, jouer aux jeux vidéos, surfer sur Internet ou traîner dans la rue.
En réduisant son temps de sommeil, en déléguant ses tâches domestiques et en limitant le temps qu’il consacre à sa famille et à sa pause de midi, Pierre pourrait disposer de 7 h 45 de temps libre par jours au lieu de 27 min et de 72 heures par semaine au lieu de 23 heures. Encore faut-il que sa femme accepte de se charger des tâches domestiques et de l’éducation des enfants. Puisque les femmes travaillent également, elles n’acceptent plus de se sacrifier pour le bien-être de la famille. Le partage équitable des tâches quotidiennes et domestiques apparaît donc comme une cause de tensions et de conflits au sein du couple. Au même titre que, dans les entreprises, la cellule familiale est devenue un champ de lutte pour la conquête du temps libre.
La différence entre le revenu d’un couple d’employé et de cadre apparaît avec les tâches domestiques. Comme Paul est également marié avec une cadre, son couple dispose d’un revenu suffisant pour externaliser les tâches domestiques à des entreprises de services aux particuliers.
Si Paul a besoin de dormir 6 h par nuit, il gagnera 2 h 30 de temps libre par jour. Même s’il est marié et qu’il a deux enfants, il dispose également de nombreux moyens de retrouver du temps libre. Au lieu de perdre 1 h 30 à dîner en famille, il peut y consacrer 30 min. En lui consacrant moins de temps, il risque d’affaiblir les liens qu’il tisse avec sa femme et ses enfants. Ce sont les 2 h 48 destinées aux tâches domestiques et l’heure consacrée à la vaisselle et à la préparation du petit déjeuner et du repas du soir qui permettent à Pierre de se distinguer de Paul.
Étant donné que le couple de Paul dispose d’un revenu plus élevé, il a les moyens d’externaliser les tâches domestiques et la charge des enfants à des entreprises de services aux particuliers, à des domestiques et à une nourrice. Par exemple, ils peuvent externaliser le soutien scolaire à une entreprise d’aide au devoir. S’ils souhaitent aller au théâtre ou passer une soirée avec des amis, ils peuvent payer une baby-sitter pour s’occuper de leurs enfants. Malgré un déficit de temps de 2 h 33, en cumulant les gains de temps gagné sur le sommeil, la pause de midi, le repas du soir et l’externalisation des tâches, Paul et sa femme pourraient disposer de 4 h 45 de temps libre par jour et de 57 heures par semaine.
L’externalisation des tâches domestiques est à l’origine du développement du secteur des services aux particuliers. À la fin des années 80, en étudiant la trajectoire des États-Unis, André Gorz en a prédit les conséquences sociales.
« La société […] continuera inévitablement à se scinder. Cette scission aura (et a déjà) pour raison la répartition très inégale des économies de temps de travail : les uns, de plus en plus nombreux continueront d’être expulsés du champ des activités économiques ou seront maintenus à sa périphérie. D’autres, en revanche, travailleront autant ou même plus que présentement et, en raison de leurs performances ou de leurs aptitudes, disposeront de revenus et de pouvoirs économiques croissants. Répugnant à se dessaisir d’une partie de leur travail et des prérogatives et pouvoir lié à leur emploi, cette élite professionnelle ne peut accroître ses loisirs qu’en chargeant des tiers à lui procurer du temps disponible. Elle va donc demander à des tiers de faire à sa place tout ce que n’importe qui peut faire, en particulier tout le travail dit de “reproduction”. Et elle va acheter des services et des équipements permettant de gagner du temps même lorsque ces services et équipements demandent plus de temps pour être produits qu’ils n’en économiseraient à un usager moyen. Elle va donc développer des activités qui, sans rationalité économique à l’échelle de la société, puisqu’elles demandent plus de temps de travail à ceux qui les assurent qu’elles n’en font gagner à ceux qui en bénéficient, correspondent seulement à l’intérêt particulier de cette élite professionnelle capable d’acheter du temps à un prix très inférieur au prix auquel elle-même peut le vendre. Ces activités sont des activités de serviteur, quels que soient d’ailleurs le statut et le mode de rémunération de ceux et de celles qui les accomplissent. »[7]
La principale activité d’une entreprise de services aux particuliers n’est pas de vendre un service, mais de transformer le temps en marchandise. En vendant du temps libre, elle transforme le temps en argent. En effet, l’entreprise achète une heure de travail au Smic, qu’elle revend entre 20 € et 30 € à un particulier pour qu’il puisse disposer d’une heure de temps libre. En 2012, le taux horaire du Smic était à 9,40 €[8]. La productivité horaire d’une heure de travail de ce secteur d’activité étant de 10,1 €, pour qu’elle soit rentable, l’article L241-11 du code de la sécurité sociale exonère les employés de ce secteur des cotisations sociales patronales[9]. Étant donné que pour accéder à ces services un ménage doit disposer d’un revenu minimum de 5 500 € nets par mois, ils sont uniquement accessibles aux cadres et aux classes moyennes supérieures. Pour que les classes moyennes aient les moyens d’y accéder, l’article 199 sexdecies[10] accorde un crédit d’impôt compris entre 12 000 et 15 000 € par an. L’État subventionne donc ce secteur d’activité à auteur de 10 milliards € par an.
Pour que ce secteur se développe, les cadres et les classes moyennes ne doivent plus avoir le temps d’effectuer leurs tâches domestiques. La loi du 20 août 2008 a fait passer le forfait jour des cadres de 218 à 235 jours par an. Pour retrouver du temps libre, ils sont donc contraints d’externaliser leurs tâches domestiques. Les interventions de l’État ont permis l’émergence du marché du temps libre, dont les effectifs ont augmenté de 89,3 % de 1990 à 2010[11]. Ce secteur d’activité fait apparaître une fracture sociale entre ceux qui travaillent beaucoup pour un revenu élevé et ceux qui travaillent à temps partiel pour un revenu qui leur permet à peine d’assurer leur subsistance. Employant des salariés peu qualifiés, au Smic et à temps partiel « subi », les entreprises de services aux particuliers sont donc en partie responsables de l’augmentation des travailleurs pauvres.
Malgré le manque de temps libre des cadres et des classes moyennes, les gains de productivité et la hausse du chômage, la norme de la semaine de travail est toujours de 5 jours. Face à la nécessité de changer de mode de vie, la réduction du temps de travail, à laquelle une part croissante de la population aspire, apparaît donc comme l’une des conditions de ce changement.
Jean-Christophe Giuliani
Cet article est extrait de l’ouvrage “En finir avec le chômage : un choix de société !”. Ce livre permet d’appréhender les enjeux du choix entre la relance de la croissance du PIB ou de la réduction du temps de travail. Vous pouvez le commander sur le site des Éditions du Net sous un format ePub ou Papier.
Pour accéder aux pages suivantes :
– La réduction du temps de travail peut-elle supprimer le chômage ?
– Emploi du temps professionnel et mode de vie
– Temps social dominant et dynamique des temps sociaux
– Le déclin de l’ordre religieux au profit de l’ordre économique
– Historique de la réduction du temps de travail
[1] Insee, Temps sociaux et temps professionnels au travers des enquêtes Emploi du temps, Économie et Statistiques, n° 352-353 de 2002
[2] L’express.fr, Arrivez-vous à concilier vie professionnelle et vie privée ?, [En ligne] (consulté le 15 avril 2018), https://www.lexpress.fr/emploi/gestion-carriere/arrivez-vous-a-concilier-vie-professionnelle-et-vie-privee_1506780.html
[3] L’express.fr, Travail ou vie privée ? sept salariés sur dix mènent une course contre le temps, [En ligne] (consulté le 15 avril 2018), https://www.lexpress.fr/emploi/gestion-carriere/travail-ou-vie-privee-sept-salaries-sur-dix-menent-une-course-contre-le-temps_1685435.html
[4] Fondation entrepreneurs MMA, Etude sur la santé du dirigeant 2018, [En ligne] (consulté le 19 octobre 2018), https://fondation-entrepreneurs.mma/etude-sante-dirigeant-entreprise-2018.htm
[5] Codes et lois.fr, article-l3123-5, [En ligne] (consulté le 28 septembre 2017), http://www.codes-et-lois.fr/code-du-travail/article-l3123-5
[6] Ministère de la fonction publique, Guide du temps partiel des fonctionnaires et des agents non titulaires des trois fonctions publiques, [En ligne] (consulté le 28 décembre 2016), http://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/IMG/Guide_temps_partiel_FPE-2.pdf
[7] Gorz André, Métamorphoses du travail : critique de la raison économique, Paris, Galilée, 1988, page 20
[8] Insee, Salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) en 2018, Données annuelles de 1980 à 2018, [En ligne] (consulté le 4 décembre 2018), https://www.insee.fr/fr/statistiques/1375188
[9] Légifrance, Article L241-11 du code de la sécurité sociale, [En ligne] (consulté le 15 Août 2017), https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006073189&idArticle=LEGIARTI000006741946&dateTexte=&categorieLien=cid
[10] Légifrance, , Article 199 sexdecies, [En ligne] (consulté le 28 septembre 2017), https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006069577&idArticle=LEGIARTI000033813202&dateTexte=&categorieLien=id
[11] Insee, 6.209 Emploi intérieur total par branche en nombre d’équivalents temps plein, Op.Cit.