La satisfaction du besoin de sécurité[1] consiste à garantir la satisfaction des besoins physiologiques et à se protéger des différents dangers qui les menacent.
La satisfaction du besoin de sécurité consiste à sécuriser la satisfaction des besoins physiologiques. La satisfaction de ces besoins sur le long terme permet à l’individu de s’ouvrir aux autres et de se projeter dans l’avenir. Se sentant en sécurité, il est motivé à expérimenter de nouvelles activités de socialisation et d’expression pour satisfaire des besoins supérieurs.
À l’inverse, un climat d’insécurité, de précarité et d’instabilité provoque un état de stress qui fragilise sa santé physique et psychique. Le mal-être consécutif à l’intensification de ce climat d’insécurité peut conduire à une perte de confiance en soi, au repli sur soi, à la consommation d’antidépresseurs, à des maladies et au suicide.
Un être humain isolé dans un environnement hostile étant une proie facile, sa survie dépend de la protection d’un groupe. Pour garantir sa sécurité, l’individu a besoin d’une famille, d’un clan, d’une religion, d’un syndicat ou d’un État qui fixe des limites, des règles de vie, des interdits et des lois. Par exemple, le Code pénal fixe un cadre juridique qui permet à la justice et à la police de protéger les droits et la propriété des individus. Le Code du travail fixe les règles : le contrat de travail (CDI, CDD, intérim, etc…), les conditions d’embauche et de licenciement, les congés payés, les jours de repos, la durée légale du temps de travail, etc…, qui encadrent les relations entre les employeurs et les salariés. En donnant à un salarié les moyens de défendre ses droits face à son employeur, ces règles, qui sont les mêmes pour tous, lui donnent les moyens de sécuriser son emploi.
Le besoin de sécurité peut être satisfait de manière individuelle ou collective. Tandis que l’État providence favorise les moyens collectifs (assurance maladie, retraite par répartition, assurance-chômage, hôpitaux et écoles publiques, etc…), l’État gendarme encourage les moyens individuels (épargne, retraite par capitalisation, polices d’assurance, mutuelle, cliniques et écoles privées, etc…).
Paradoxalement, la mise en œuvre de l’État gendarme nécessite de renforcer les moyens d’action de la police et de l’armée avec les impôts des contribuables. N’étant pas un choix économique, mais un choix de société, le choix entre l’État providence et l’État gendarme ne devraient pas être dictés par des intérêts économiques, mais par le souci du bien commun.
En France et dans les pays industrialisés, les moyens destinés à satisfaire le besoin de sécurité sont relativement limités : avoir un emploi stable correctement rémunéré ou être rentier. Le climat d’insécurité qui règne dans ces pays n’est donc pas dû à la peur du terrorisme, mais à la peur de perdre son emploi. Pour mettre fin au chômage et à la peur du chômage, les salariés exigent que l’État intervienne pour relancer la croissance, créer des emplois, réduire le temps de travail, interdire les délocalisations ou encadrer les règles de licenciement. Même si dans leurs discours le patronat et le gouvernement déclarent lutter contre la hausse du chômage, ils n’ont aucun intérêt à le faire disparaître. En effet, pour le patronat, le chômage n’est pas un problème, mais une solution, car un salarié qui a peur de perdre son emploi est plus docile et moins revendicatif.
Selon Erich Fromm, la satisfaction du besoin de sécurité peut s’exprimer sur le mode « avoir » et le mode « être »[2]. La distinction entre ces deux moyens de concevoir la sécurité est facilement identifiable. La sécurité sur le mode « avoir » consiste à accumuler toujours plus d’argent et de bien matériel.
Paradoxalement, l’individu qui construit sa sécurité sur le mode « avoir » est contraint à vivre dans l’insécurité. Comme sa sécurité repose sur ce qu’il « a », et que tout ce qu’il possède peut être perdu, il est obsédé par l’idée de tout perdre. De ce fait, il est perpétuellement inquiet envers ceux qui menacent ses biens et sa propriété (voleurs, crise économique, révolution, mort, etc…) Étant donné que mourir s’apparente à une dépossession, celui qui a construit son existence sur le mode « avoir » a donc souvent peur de la mort.
L’angoisse et l’insécurité engendrées par la peur de perdre sont absentes de la sécurité fondée sur le mode « être ». La sécurité sur le mode « être » repose sur les qualités, les aptitudes et les connaissances que l’individu a développées au cours de ses expériences, de sa formation, de ses lectures et de ses réalisations. Sa sécurité ne repose donc pas sur ce qu’il « a », mais sur ce qu’il « est ». Si je suis ce que « je suis », et non ce que « j’ai », personne ne peut menacer ma sécurité. Se fortifiant dans la pratique, l’action et la réflexion sur soi, la sécurité sur le mode « être » ne peut pas être menacée par quelque chose d’extérieur (voleur, révolution, chômage, crise économique, etc…) En revanche, elle peut être menacée par le manque de confiance en soi, des complexes, l’ignorance, l’absence de volonté, la paresse et la résignation qui sont des tendances propres à l’individu.
Sur le plan politique, les acquis sociaux qui ont permis de sécuriser la satisfaction des besoins essentiels ont été en partis conquis par le programme du Conseil National de la Résistance (CNR) et les luttes sociales qui ont eu lieu durant les 30 glorieuses.
En régulant les prix, en réduisant le temps de travail et en créant un salaire minimum et la sécurité sociale (allocations familiales, assurances maladie et retraite), les luttes ouvrières ont favorisé un partage équitable de la valeur ajoutée et des fruits de la croissance. La mise en œuvre du programme du CNR a également permis de nationaliser les activités économiques destinées à satisfaire ces besoins (EDF-GDF, système de santé, SNCF, banques, assurances, etc…). Depuis le milieu des années 80, au nom de la création d’emploi et de la compétitivité des entreprises, la mise en œuvre de la doctrine ultralibérale a contribué à démanteler les conquêtes sociales du CNR et donc, les moyens de sécuriser ces besoins.
Lorsque les besoins essentiels sont satisfaits et que leurs satisfactions ne sont pas menacées à moyen et long terme, les besoins psychosociaux commencent à prendre de plus en plus d’importance dans la vie de l’individu.
Jean-Christophe Giuliani
Cet article est extrait de l’ouvrage « Satisfaire nos besoins : un choix de société ! ». Ce livre permet d’appréhender que le choix du rapport au temps et des moyens utilisés pour satisfaire nos besoins n’est pas un choix économique, mais un choix de société dont dépend la survie et l’avenir de l’humanité.
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Pour accéder aux pages suivantes :
– Besoin de réalisation de soi
Étudier les besoins en lien avec l’activité professionnelle
– Inciter les salariés à travailler toujours plus en limitant l’offre d’emploi.
Étudier les besoins en lien avec la consommation
– Inciter les salariés à travailler toujours plus en augmentant l’offre et les prix.
[1] Maslow Abraham H, Vers une psychologie de l’être : L’expérience psychique, Paris, Arthème Fayard, 1972, page 228.
[2] Fromm Erich, Avoir ou être : Un choix dont dépend l’avenir de l’homme, Paris, Robert Laffont, 1978, page 130.
La satisfaction du besoin de sécurité consiste à garantir la satisfaction des besoins physiologiques et à se protéger des différents dangers qui la menace.