Le déclin de l’ordre religieux au profit de l’ordre économique

Le temps est un instrument de contrôle et de transformation sociale. Étant donné qu’il permet de réguler et d’organiser le rythme des pratiques collectives et des relations entre les individus, le temps apparaît comme des instruments de contrôle et de domination sociale. Comme toutes les sociétés se caractérisent par un certain agencement du temps, sa modification apparaît comme le signe d’une transformation sociale et donc, d’un changement de société. Cette mutation sociale intervient lorsqu’un temps social dominant est remplacé par un temps social émergeant qui, à son tour, devient dominant. L’étude des temps sociaux apparaît donc comme une grille de lecture pertinente de la dynamique des changements sociaux.

La dynamique des temps sociaux peut en partie expliquer les transformations économiques, politiques et sociales intervenues lors de grands changements historiques. Étant donné que ces changements peuvent être le résultat de facteurs[1] techniques, idéologiques et culturels, je n’affirmerai pas qu’elle les explique à elle seule. Je tenterai simplement de montrer qu’en provoquant l’émergence de nouveaux temps sociaux, ce nouveau rapport au temps favorise l’émergence de nouvelles catégories sociales, qui à leur tour deviennent dominantes. En favorisant l’émergence de nouvelles valeurs, de nouveaux modes de production et de nouvelles catégories sociales, ces nouveaux temps sociaux provoquent un changement de société.

Pour illustrer les liens qui unissent les temps sociaux dominant à la dynamique des temps sociaux, je propose d’aborder l’apogée et le déclin de l’ordre religieux au profit de l’ordre économique. Je tiens à préciser que je n’ai pas l’intention de présenter un récit historique exhaustif. Mon but est de montrer comment la somme d’évolutions économiques, politiques et sociales, qui ont en commun un lien avec le rapport au temps, a pu aboutir à la Révolution française.

  • L’apogée du pouvoir temporel et spirituel de l’ordre religieux.

La première phase, qui correspond à l’apogée du pouvoir temporel et spirituel de l’Église Chrétienne, commence au début du moyen âge. Étant donné que le temps n’appartenait qu’à Dieu, l’Église Chrétienne manifestait son pouvoir temporel en contrôlant les outils de mesure du temps. En organisant le rythme de la journée et en planifiant les événements économiques, politiques et sociaux, la cloche et le calendrier lui permettaient d’exercer son autorité.

Au début du Moyen âge, l’activité agricole occupait plus de 80 % de la population. Même si le travail était un commandement biblique « tu gagneras ton pain à la sueur de ton front », il n’était pas considéré comme une valeur, mais une malédiction. La journée de travail était réglée sur le cycle naturel du jour et de la nuit. Variant au rythme des saisons, sa durée pouvait donc être de 8 heures en hiver et de 16 heures en été.

La cloche a longtemps été un instrument du pouvoir temporel de l’Église chrétienne. En exerçant un contrôle et une surveillance quotidiens, la cloche rappelait l’autorité et le pouvoir temporel de l’Église. En fixant les heures du lever, des offices, du travail, des repas et du coucher, la cloche organisait le rythme de la société. Le rôle des cloches étant d’annoncer un évènement particulier, il en existait de nombreuses : la cloche de l’église, la cloche des marchés, la cloche des grains, la cloche du travail[1], etc. Tandis que la plupart des cloches annonçaient un événement, la cloche du travail fixait un cadre temporel au temps de travail.

Le calendrier, qui permet de planifier les activités économiques, politiques et sociales sur la semaine, le mois et l’année, est également un instrument d’organisation, de contrôle et de stabilité sociale. En datant l’histoire à partir de la naissance du Christ, l’Église chrétienne imposait son pouvoir temporel, sa vision du monde et son autorité spirituelle. Afin de faire valoir son pouvoir temporel, l’Église accordait 52 dimanches et entre 30 et 40 jours de fêtes religieuses chômées à la gloire de Dieu[2]. Aux fêtes religieuses, il fallait ajouter 20 jours de vigiles et de veilles de fêtes[3]. Le nombre de journées chômées pouvait donc être compris entre 102 et 112 jours par an.

Le temps social dominant étant le temps religieux, les hommes naissaient, vivaient et mourraient dans un monde déiste. À l’apogée de son règne, l’Église chrétienne imposait ses valeurs, son mode de production (l’économie du salut) et ses catégories sociales dominants. Le Roi étant le représentant de Dieu sur terre, les membres de l’église et de la monarchie appartenaient à la catégorie sociale dominante. La hiérarchie sociale était donc issue de la position occupée au sein de l’Église (Pape, Cardinal, Évêque, Abbés, Prêtre) et de la monarchie (Roi, Duc, Comte, Baron, Marquis, Chevalier).

Le pouvoir spirituel de l’Église chrétienne reposait sur une doctrine qui proposait une conduite de vie capable de répondre à l’angoissante question de la vie après la mort. En produisant des lois et des valeurs, l’économie du salut permettait d’éviter des punitions (excommunication, enfer, etc.) et de recevoir des récompenses après la mort (paradis). L’interdit concernant la pratique de l’usure, qui consiste à prêter de l’argent avec intérêt et donc, à créer de l’argent avec de l’argent, permet d’illustrer le rôle de sa doctrine spirituel. Les premiers textes, qui concernent l’interdiction de l’usure, étaient présents dans l’Ancien Testament[4] :

  – L’Exode (Ex. 22. 24) «  Si tu prêtes de l’argent à un compatriote, à l’indigent qui est chez toi, tu ne te comporteras pas envers lui comme un prêteur à gages, vous ne lui imposerez pas d’intérêts. »,

  – Le Lévitique (Lv. 25. 37) « Tu ne lui donneras pas d’argent pour en tirer du profit ni de la nourriture pour en percevoir des intérêts »,

  – le Deutéronome (Dt. 23. 20) « Tu ne prêteras pas à intérêt à ton frère, qu’il s’agisse d’un prêt d’argent, ou de vivres, ou de quoi que ce soit dont on exige intérêt. »

Lors du Concile de Nicée, qui eut lieu en 325 apr. J.-C., l’Église Chrétienne décida également d’interdire la pratique de l’usure[5]. L’une des causes de son interdiction concernait le pouvoir temporel. Sous le pouvoir temporel de l’Église, le temps était un bien inaliénable qui n’appartenait qu’à Dieu. Pouvant être découpées en unités constantes, les séquences de temps du calendrier pouvaient être quantifiées. Étant quantifiables, comme une marchandise, elles pouvaient faire l’objet d’échanges et de spéculations. En appliquant un taux d’intérêt au temps qui s’écoule entre la date d’obtention d’un prêt et son remboursement, l’usure transformait le temps en argent. Comme le temps n’appartenait qu’à Dieu, il ne pouvait pas faire l’objet de commerce et de profit. Jugé immoral et contraire à la justice, le prêt à intérêt était donc interdit par l’Église chrétienne. L’usure étant considérée comme un péché capital, le marchand qui prêtait à intérêt risquait des sanctions pénales et une excommunication. Étant excommunié, il était exclu de la communauté et voué à l’enfer. L’économie du salut de l’Église chrétienne a donc permis d’encadrer et de prohiber la pratique de l’usure.

Le pouvoir temporel et spirituel de l’Église étant à son apogée, il faudra attendre le milieu du moyen âge pour que le temps social du travail et de la bourgeoisie commence à émerger.

  • L’émergence du temps social du travail et de la bourgeoisie.

La seconde phase, qui est apparue entre le 10e et 13e siècle, a permis l’émergence du temps social du travail et de la bourgeoisie. Même s’il était limité, le mouvement d’urbanisation du moyen âge a contribué à un processus de transformation sociale. En s’installant dans les bourgs : zone fortifiée d’une ville qui procure un abri, les marchands prendront le nom de bourgeois. En s’organisant en corps de métiers, les artisans des villes donnèrent naissance aux corporations.

Détenant un patrimoine financier important, l’Église chrétienne affirmait son pouvoir spirituel et temporel en finançant la construction d’édifices religieux (églises, cathédrales, monastères, couvents, etc.). Du 10e au 13e siècle, dans toute la chrétienté des cathédrales se sont élevées à la gloire de Dieu (Paris, Chartres, Bourges, Reims, Amiens, Strasbourg, Cologne, Londres, etc.) La construction d’une cathédrale nécessitait de très nombreuses années de travail et l’emploi de nombreux ouvriers, artisans et corps de métiers. En donnant du travail et en distribuant des revenus, la construction d’une cathédrale stimulait les échanges marchands, le commerce local et donc, le développement économique des cités médiévales. En bâtissant des édifices religieux, l’Église chrétienne a permis l’émergence du temps social du travail des artisans et des marchands.

Étant gardienne de la foi, l’Église imposait à la société et à chaque corporation des règles strictes en matière de travail, d’offices et de fêtes. Aux 52 dimanches, aux 30 ou 40 jours de fête religieuse et aux 20 jours de vigiles et de veilles de fêtes, il fallait ajouter 20 jours de fête divers (fête du seigneur et de sa femme, fête de la corporation, etc.) et les demi-journées du samedi[6]. En comptant les 52 demi-journées du samedi en 26 jours complets, le nombre de journées chômées pouvait être compris entre 158 et 168 jours par an. Le trop grand nombre de jours chômés ne permettait pas toujours aux paysans et aux ouvriers d’assurer leur subsistance et celle de leur famille. Pour leur part, les propriétaires terriens se plaignaient du nombre important de fêtes religieuses qui n’étaient pas toujours compatibles avec les travaux des champs.

L’un des premiers devoirs du Roi étant d’assurer la subsistance de ses sujets, il avait besoin du travail des paysans et des marchands pour en assurer la production et la distribution. Même si le travail était toujours considéré comme une malédiction, étant donné qu’il était utile au bien commun, il commença à bénéficier d’une certaine forme de considération de la part de l’Église. Répondant aux nécessités de la vie, le commerce des grains était soumis à une réglementation très stricte. Comme il était interdit de s’enrichir avec le commerce des subsistances, les paysans et les marchands qui transgressaient la loi risquaient l’excommunication, voire une peine de mort.

Il n’y a pas que l’enrichissement avec le commerce des subsistances qui était interdit. Au 12e siècle, Saint Thomas d’Aquin condamnait toujours l’usure. « Recevoir un intérêt pour l’usage de l’argent prêté est en soi injuste, car c’est faire payer ce qui n’existe pas ; ce qui constitue évidemment une inégalité contraire à la justice… c’est en quoi consiste l’usure. Et comme l’on est tenu de restituer les biens acquis injustement, de même l’on est tenu de restituer l’argent reçu à titre d’intérêt.»[7] L’usure étant considérée comme un péché mortel[8], les marchands et les banquiers chrétiens qui le pratiquaient étaient sanctionnés par l’Église. Les sanctions comprenaient des peines spirituelles (excommunication et privation de sépulture) et des peines temporelles (obligation de restituer les bénéfices illicites et invalidation des testaments des marchands qui n’avaient pas réparé leurs péchés en matière économique) qui ont permis à l’Église de s’enrichir.

Étant sous le contrôle de l’Église et de la monarchie, le travail des paysans, des marchands et des artisans ne disposait d’aucune autonomie. Tant que le temps social du travail se limitait à assurer les subsistances et à construire des édifices religieux, son émergence ne menaçait pas l’ordre social. Il faudra attendre la fin du moyen âge pour que la révolution silencieuse du rapport au travail et à l’argent de la bourgeoise commence à émerger.

  • La révolution silencieuse du rapport au travail et à l’argent de la bourgeoisie.

La troisième phase, qui apparaît entre le 14e et la fin du 15e siècle, annonce le déclin du temps social de l’Église au profit du travail et de la bourgeoisie. L’invention et la diffusion de l’horloge mécanique, qui est apparue au 14e siècle, marquèrent profondément la mesure du temps. En introduisant une forme de calcul du temps fondé sur des unités abstraites, l’avènement de l’horloge contribua à moderniser la société et l’économie. La nécessité de mesurer le temps est apparue pour réguler les conditions de travail dans les villes. Les ouvriers étant payés à la journée, il était nécessaire d’en déterminer la limite temporelle. Avant l’apparition de l’horloge, les employeurs utilisaient la cloche du travail pour délimiter, contrôler et discipliner le travail. Étant donné que la durée des journées d’hiver et d’été n’était pas identique, il était difficile de fixer une durée stable, régulière, homogène et « juste ». L’importance des écarts pouvait donc être l’occasion de manipulations et de tricheries de la part des employeurs et des ouvriers. Tandis que les ouvriers exigeaient une « juste » durée de la journée de travail, les employeurs étaient soupçonnés de manipuler la cloche au profit de leurs intérêts. La méfiance qui régnait autour de la mesure du temps de travail était donc à l’origine de nombreux conflits sociaux.

En décomposant la journée en 2 tranches de 12 heures, l’horloge a permis de mesurer et de quantifier le temps en unités homogènes, égales, constantes, stables et régulières. En hiver et en été, la durée de la journée était désormais de 24 heures. Étant visible, précis, neutre et objectif, le temps de l’horloge concilia les intérêts des ouvriers et des employeurs. Se sont donc des soucis de précision, de neutralité et de justice sociale qui ont guidé l’installation des premières horloges. Étant étroitement liée à la mesure du temps de travail, l’avènement de l’horloge favorisa l’émergence du temps social du travail et donc, de la catégorie sociale qui lui était attachée, la bourgeoisie.

Étant mieux adaptée que la cloche pour réguler le rythme de la vie économique et sociale, l’horloge est devenue le nouveau donneur de temps des villes. En adoptant l’horloge, les villes commençaient à s’affranchir du pouvoir temporel de l’Église. Le rythme des cités étant dicté par l’horloge, le pouvoir temporel de l’Église commençait à décliner au profit du temps social du travail de la bourgeoisie. Tandis que le rythme des villes s’organisait progressivement autour du temps économique de l’horloge, celui des campagnes était toujours structuré par le temps religieux de la cloche. Même si l’horloge s’imposait dans les villes, plus de 80 % de la population de l’Europe était constituée de paysans et d’ouvrier agricole qui vivaient en milieu rural[9]. Malgré le déclin d’une partie de son pouvoir temporel dans les villes, le rythme des campagnes était encore dicté par les cloches et l’Église fixait toujours les jours de fête religieuse, dont le nombre était plus ou moins identique qu’au moyen âge.

Malgré le déclin de son pouvoir temporel, l’Église chrétienne détenait toujours le pouvoir spirituel. En apportant une réponse à l’angoissante question de la vie après la mort, l’économie du salut lui permettait toujours d’exercer son pouvoir spirituel sur la bourgeoisie. En ce qui concerne l’usure, l’Église fut plus tolérante à la fin du moyen âge[10]. Pour la justifier, elle prétexta que le banquier se privait de la somme qu’il prêtait et qu’il prenait un risque en accordant un prêt. L’intérêt apparaissait donc comme les compensations de sa privation et de sa prise de risque. Malgré sa tolérance, le prêt à intérêt demeurait toujours un péché capital. Pour racheter leurs péchés, réparer leurs fautes, purifier leurs âmes et donc, échapper à l’enfer, les banquiers et les riches marchands versaient d’importantes indulgences à l’Église. Tandis que la tolérance favorisa le développement économique de Florence et de Venise, les indulgences permirent à l’Église Chrétienne de construire la Basilique Saint-Pierre de Rome.

L’avènement du temps de l’horloge préfigura la lutte pour la domination économique et culturelle qui opposa l’Église chrétienne à la bourgeoisie. Tandis que le temps social de l’Église était en relation avec le sacré et le divin, celui de la bourgeoisie l’était avec l’argent et les profits. Cet affrontement annonça le déclin de l’ordre religieux au profit de l’ordre économique.

  • Le déclin de l’ordre religieux au profit de l’ordre économique.

La quatrième phase, qui apparaît au 16e siècle avec la Renaissance et se termine à la fin du 18e siècle, annonce l’effondrement de l’ordre religieux au profit de l’ordre économique. La bourgeoisie se décompose désormais en deux catégories : la bourgeoisie marchande qui comprend les grands négociants, les armateurs, les banquiers et les gros fermiers et la bourgeoisie d’offices qui comprend les avocats, les notaires, les officiers de justice, les médecins, les universitaires et les écrivains. Afin d’expliquer l’effondrement de l’ordre religieux, j’ai identifié des facteurs économiques, politiques et sociaux qui provoquèrent un retournement des valeurs et des modes de production dominants : l’imprimerie, la réforme protestante, les Lumières, le progrès technique, les armes de guerre, les manufactures, la quantification et la liberté du commerce.

L’invention de l’imprimerie par Gutenberg en 1453 fut la révolution culturelle la plus importante de la Renaissance. Avant l’apparition de l’imprimerie, les livres étaient reproduits à la main par les moines et les clercs. Étant donné que les bibliothèques se trouvaient dans les monastères et les universités, l’Église détenait le monopole du savoir. La recherche étant sous le contrôle de l’Église, elle n’encourageait pas la science et la philosophie, mais la théologie. En permettant d’imprimer des livres en grande série, l’invention de l’imprimerie provoqua une baisse du coût de production d’un livre et donc, de son prix de vente. La diffusion de la connaissance philosophique et scientifique favorisa la naissance de la science moderne et l’avènement des Lumières. En accédant à la connaissance et en cherchant des vérités objectives, la bourgeoisie changea sa manière de penser et de voir le monde. En exerçant son libre arbitre et son esprit critique, elle remit en question les superstitions religieuses et donc, le pouvoir spirituel de l’Église Chrétienne. Le Roi étant le représentant de Dieu sur terre, en remettant en cause l’autorité de l’Église, la bourgeoisie remettait en question celle de la monarchie. Afin de préserver son autorité, l’inquisition et la monarchie censurèrent les livres qui remettaient en question l’existence de Dieu et condamnèrent à la prison ou à la mort les hérétiques qui propageaient des idées blasphématoires. Souhaitant propager la foi, l’Église Chrétienne fit imprimer la Bible en grande série. En lisant la Bible, l’individu accédait à la parole de Dieu sans les interprétations officielles et codifiées du prêtre. Au lieu de favoriser la propagation de la foi, la diffusion de la Bible provoqua la Réforme protestante.

En voulant retrouver la pureté religieuse, la réforme protestante annoncée par Luther engendra, malgré elle, un monde matérialiste totalement dominé par le travail et l’argent. Comme l’explique Max Webber, « La doctrine calviniste, à la fois par sa doctrine propre et par les réactions psychiques qu’elle a provoquées, a engendré une morale individuelle et économique favorable à des conduites de type capitaliste. »[11]

La prédestination et l’ascétisme moral ont provoqué des transformations psychiques et intellectuelles favorables à l’émergence de l’esprit du capitalisme.

« Chapitre III : décrets éternels de Dieu, n°3. Par décret de Dieu, et pour la manifestation de sa gloire, tels hommes […] sont prédestinés à la vie éternelle, tels autres voués à la mort éternelle. » […] « n°5. Ceux parmi les hommes qui sont prédestinés à la vie, Dieu les a élus dès avant d’établir les fondements du monde, conformément à son dessein immuable de toutes éternités ainsi qu’à sa volonté intime et à son bon plaisir. Il les a élus dans le Christ et pour leur gloire éternelle, de par sa seule grâce et son seul amour librement prodigués, en dehors de toute prescience tant de leur foi ou de leurs bonnes œuvres que de leur persévérance en celles-ci ou en celle-là, en dehors aussi de toute autre condition ou cause déterminante propre à la créature [élue] : et tout cela à la louange de sa grâce et de sa gloire. »[12]

En affirmant qu’en vertu d’un décret éternel, Dieu a attribué à chacun une destinée garantie dès la naissance, la prédestination a procuré un socle spirituel qui a profondément influencé la conduite et le sens de la vie des protestants. Selon ces décrets divins, tandis que l’élu sera sauvé et élevé à la gloire éternelle, le réprouvé sera damné pour l’éternité. Le salut de l’Homme étant garanti dès sa naissance, quels que soient ses actes, il ne peut le modifier. En effet, tandis que l’élu ne peut pas perdre la grâce qui lui a été accordée, le réprouvé ne peut pas gagner celle qui lui a été refusée. Mais surtout, les indulgences que les catholiques octroyaient à l’Église pour racheter leurs péchés ne permettaient plus d’obtenir la grâce de Dieu.

Étant donné que Dieu ne dévoile pas ses décrets souverains, il est difficile de distinguer un élu d’un réprouvé. Les questions que se posaient les calvinistes étaient donc celles-ci : suis-je un élu ? Comment m’assurer de mon élection ? Selon Calvin, la divine providence a attribué à l’élu une vocation à laquelle il doit entièrement se consacrer. À l’inverse du catholicisme, le calvinisme n’exigeait pas une bonne œuvre isolée ou des indulgences, mais une vie entière vouée à sa vocation. En effet, les signes de l’élection divine étaient les suivants : réussir dans l’activité qui répond à sa vocation et mener une vie éthique fondée sur l’ascétisme moral. La conduite d’une existence fondée sur l’ascétisme moral exigeait une vie rationnelle et ordonnée, un contrôle strict de ses émotions et de son comportement, ainsi que le rejet de toutes joies et jouissances de l’existence. Gaspiller son temps et son argent étant des péchés, le luxe, l’ostentation, la contemplation, les divertissements, les illusions sentimentales, les tentations de la chair, les mondanités, les bavardages et les plaisirs de la vie étaient donc proscrits.

« La société monarchique protégeait « ceux qui voulaient se divertir » contre la morale bourgeoise naissante et contre les conventicules ascétiques hostiles à l’autorité […] »[13]

En plus d’apprendre à lire et à compter, le protestant devait également apprendre les mathématiques et la géométrie, lire des livres scientifiques et consacrer du temps à la recherche pour comprendre l’œuvre de Dieu. En s’instruisant et en interprétant seul la parole de Dieu, non seulement, il développait son libre arbitre et son esprit critique, mais en plus, il renforçait la conscience de sa propre intériorité. En renforçant l’isolement intérieur, l’ascétisme moral favorisa le comportement individualiste de la bourgeoisie protestante. Libéré des relations affectives et des jouissances de la vie, qui auraient pu le détourner de sa vie ascète, l’élu pouvait se consacrer entièrement à sa vocation. En exerçant sa vocation avec méthode, rationalité et persévérance, l’élu servait Dieu, améliorait sa condition et permettait à sa communauté de prospérer. Le prestige social, les considérations et l’estime que lui procurait sa réussite financière, professionnelle et matérielle étaient les signes de son élection divine. En considérant ces moyens comme un signe d’élection, non seulement l’éthique protestante les a transformés en un but et en finalité en soi, mais en plus, elle a libéré l’individu de la culpabilité liée à l’argent. En transformant le travail et l’argent, qui ne sont que des moyens, en preuves de salut, l’éthique protestante a remplacé « l’économie du salut » par « le salut par l’économie ». Ce renversement des valeurs accéléra le déclin du pouvoir spirituel que détenait encore l’Église Chrétienne au profit de la bourgeoisie.

Il est important de préciser que Luther et Calvin n’ont jamais considéré l’enrichissement comme une finalité en soi. Au même titre que la doctrine catholique, la protestante ne vouait pas de culte à l’argent et considérait la pratique de l’usure comme un sacrilège, sauf dans le cadre d’un investissement productif. N’étant qu’un moyen, l’argent n’avait pas la vocation d’être prêté, dépensé ou thésaurisé, mais d’être investit dans une activité productrice. La tolérance de Calvin concernant l’usure reposait donc sur la distinction entre le crédit à la consommation et le prêt à intérêt souscrit pour un investissement productif. Tandis que le premier appauvrissait l’emprunteur, le second contribuait à l’œuvre de Dieu en permettant à l’entrepreneur de répondre aux besoins de la collectivité. En tolérant cette forme d’usure, il favorisa le développement économique de Genève, ainsi que des pays à obédience calviniste, tels que les Pays-Bas et l’Angleterre.

Tandis que l’imprimerie favorisa la diffusion de la connaissance, les Lumières et l’Éthique protestante encouragèrent l’apprentissage des mathématiques et de la géométrie, la lecture de livres scientifiques et la recherche. En se combinant, ils favorisèrent le progrès des techniques et l’invention de nouvelles machines. Au cours des 16e et 17e siècles, les recherches en mécanique et en physique (plan incliné, statistique, chute des corps, trajectoire d’un projectile, astronomie, etc.) étaient étroitement liées à des problèmes d’ordre économique et militaire (construction, balistique, drainage et ventilation des mines, construction de canaux et d’écluses, navigation, etc.). En accélérant le progrès technique, elle favorisa l’invention de machines (machine à vapeur, métiers à tisser, haut-fourneau, cokerie, etc.) et le développement économique. Elle permit également l’invention d’armes modernes (poudre, mousquets, canons en fonte, etc.), de la communication et de l’industrie lourde (mines et métallurgie) qui étaient, pour l’essentiel, destinées à la guerre.

En changeant le rapport à la guerre, l’apparition des armes modernes provoqua une transformation des valeurs, des mentalités, des idées et des catégories sociales dominantes. Joseph Schumpeter explique cette transformation sociale à travers la figure du chevalier.

« Au Moyen Âge, la guerre était affaire éminemment individualiste. Les chevaliers bardés de fer pratiquaient un art qui exigeait un entraînement poursuivi tout au long de leur vie et chacun d’eux comptait individuellement, par la vertu de son habilité et de ses prouesses personnelles. Il est donc facile de comprendre la raison pour laquelle le milieu des armes était devenu la base d’une classe sociale, au sens le plus riche et le plus plein du terme. Mais l’évolution technique et sociale a miné et finalement détruit la fonction et la position de classe. Certes, la guerre elle-même n’a pas été tuée par ces influences. Elle est seulement devenue de plus en plus mécanique – à un point tel, en dernier ressort, que les succès réalisés dans ce qui n’est plus qu’une simple profession ont cessé d’avoir un caractère d’accomplissement personnel qui élève, non seulement l’individu, mais encore son groupe à une position durable de commandement social. »[14]

En maîtrisant le maniement des armes et l’art de la guerre, le chevalier affirmait son autorité politique. Ses victoires et conquêtes militaires lui permettaient d’augmenter ses terres, ses sujets et donc, ses profits. En rendant le combat au corps à corps obsolète, l’apparition des armes modernes (canons, mousquets, pistolets, etc.) transforma le rapport à la guerre et la société. Étant donné qu’il pouvait être tué par un paysan armé d’un fusil, ce n’était plus le courage et la maîtrise des armes qui permettait de remporter la bataille, mais l’argent. La bataille n’était donc plus remportée par celui qui maîtrisait l’art de la guerre, mais par celui qui était capable de payer le plus de soldats, de chevaux, de fusils, de canons, etc. Les guerres modernes ont favorisé le développement d’un modèle de production industrielle.

En effet, pour se développer et réaliser des économies d’échelles, l’industrie naissante avait besoin de produire en grande quantité et en série un produit identique. Nécessitant la production de produits identiques en grande série (uniformes, armements, munitions, etc.), l’industrie destinée à la guerre favorisa la transition entre la production artisanale et industrielle. Nécessitant de plus en plus d’hommes, de matériels, d’armes et de logistiques, une guerre coûtait de plus en plus cher. Pour financer les guerres, le Roi devait augmenter « la taille » et s’endetter auprès des détenteurs de capitaux (marchands et marchands-banquiers). Étant donné que la noblesse payait « l’impôt du sang », c’est-à-dire qu’elle risquait sa vie pour protéger ses sujets et défendre son territoire, elle était exemptée de cet impôt depuis le Moyen Âge. Seuls les roturiers et donc, les sujets qui n’étaient pas nobles payaient la Taille. En devenant une affaire d’argent, la guerre a rendu la monarchie dépendante de la bourgeoisie d’affaires.

Au 17e siècle, sous l’influence de Colbert, une nouvelle forme d’industrie prit son essor en France. En créant des manufactures d’État, Colbert souhaitait orienter l’argent de la rente foncière vers la production industrielle. Jouissant de monopoles, de privilèges et de subventions, les manufactures royales, dont les plus connues sont les Gobelins et la Savonnerie, permirent à la France de conquérir une suprématie industrielle. Rassemblant de nombreux ouvriers : 6 000 ouvriers dans les entreprises de crêpes à Lyon, 3 000 dans les fabriques de drap Van Robais à Abbeville[15], etc., ces manufactures contribuèrent à transformer les conditions et les modes d’organisation du travail. Étant donné qu’elles avaient le souci de l’assiduité et de la productivité, ces manufactures d’État ont organisé le travail en s’inspirant de la discipline des monastères.

Comme les moines, les ouvriers étaient logés et nourris sur leur lieu de travail. Comme dans les monastères, la durée du travail, des prières, des repas et du sommeil était soumise à une discipline temporelle rigoureuse et stricte. Tandis qu’en été, les ouvriers se levaient entre 4 h et 5 h et se couchaient à 22 h, en hiver, ils se levaient entre 6 h et 7 h et se couchaient à 19 h. La journée de travail durée au moins 10 heures par jour. Elle était interrompue par les repas, qui duraient entre une demi-heure à une heure, et les offices religieux. Étant gardienne de la foi, l’Église imposait des règles strictes en matière de travail, d’offices et de fêtes. Tous les jours, avant de se mettre au travail, les ouvriers assistaient à la messe et récitaient leurs prières en commun. Le repas de midi commençait par le bénédicité et finissait par les grâces. Le soir, avant de se coucher, ils récitaient des prières. Les fêtes religieuses étaient respectées et les ouvriers avaient l’obligation de se confesser à Pâques, à la Toussaint, à Noël, etc. L’organisation du travail des manufactures d’État préfigura celle qui se développera après la Révolution. Sauf que la religion désertera les murs.

La quantification, qui est apparue au 17e siècle, a changé la manière de voir, de penser, d’exprimer et de se représenter le monde. Elle consiste à mesurer, à évaluer, à chiffrer et à apprécier de manière objective, rigoureuse et impartiale un phénomène, une grandeur physique, une puissance, une richesse ou une valeur. La quantification s’applique à la démographie, à la taille et au poids d’un objet, au rendement agricole, à la comptabilité, aux statistiques, à la puissance d’une machine, à la dimension d’une installation, à la hauteur d’un immeuble, au temps, à la vitesse, à la richesse d’un individu ou d’une nation, etc. Le passage d’une forme d’évaluation qualitative à une forme quantitative a profondément transformé la manière de percevoir le monde. Les considérations sur la richesse de Malthus permettent d’illustrer ce revirement moral.

« La richesse embrasse évidemment toutes les choses, matérielles ou intellectuelles, tangibles ou non, qui procurent de l’utilité ou des jouissances à l’espèce humaine, elle comprend par conséquent les avantages et les consolations que nous retirons de la religion, de la morale, de la liberté politique et civile, de l’éloquence, des conversations instructives et amusantes, de la musique, de la danse, du théâtre et d’autres services et qualités personnelles. »[16]

Même si cette conception qualitative de la richesse conduit à une vie bonne et digne d’être vécue, elle ne permet pas de mesurer celle d’une nation. En effet, étant donné qu’il est impossible de mesurer et donc, de quantifier les bienfaits et les consolations que procurent l’éloquence, une conversation agréable, un morceau de musique, la morale, la liberté, etc., cette définition ne permet pas d’évaluer et de comparer l’accroissement de la richesse entre les nations. Afin de remédier à ce manque, Malthus proposa une définition de la richesse quantitative.

« Un pays sera donc riche ou pauvre selon l’abondance ou la rareté des objets matériels dont il est pourvu relativement à l’étendue de son territoire ; et un peuple sera riche ou pauvre selon l’abondance ou la rareté de ces mêmes objets relativement à la population. »[17]

En ne concevant la richesse qu’à partir d’une considération matérielle, la quantification a provoqué un revirement économique, politique et moral qui a modifié la perception de l’homme, de la société et des nations. En adoptant la quantification comme moyen d’évaluation et de distinction, la bourgeoisie a érigé l’accroissement illimité de la richesse comme fin en soi.

Étant pour la plupart des physiocrates, les hommes des Lumières défendaient la liberté de l’usure, du travail et du commerce des grains. Au 18e siècle, les considérations économiques s’opposaient toujours aux considérations morales. Le 1er novembre 1745, en publiant l’encyclique Vix Pervenit, le Pape Benoît XIV réaffirma la doctrine de l’Église concernant l’usure :

« L’espèce de péché appelé usure et dont le lieu propre est le contrat de prêt – dont la nature demande qu’il soit rendu autant seulement que ce qui a été reçu – consiste pour le prêteur à exiger – au nom même de ce contrat – qu’il lui soit rendu davantage que ce qui a été reçu et, par conséquent, à affirmer que le seul prêt donne droit à un profit, en plus du capital prêté. Pour cette raison, tout profit de cette sorte qui excède le capital est illicite et usuraire[18]

L’usure étant toujours considérée comme une rapine et une abominable extorsion, l’Église chrétienne et la loi pénale de l’ancien régime l’interdisaient et la condamnaient. Malgré son interdiction, des physiocrates et des philosophes des Lumières, tels que Diderot, D’Alembert et Turgot, prirent la défense de l’usure. En 1770, dans son « Mémoire sur les prêts d’argent »[19], Turgot prit publiquement position pour le prêt à intérêt en invoquant des arguments économiques. Il faudra attendre la Révolution française pour que l’usure soit enfin autorisée en France.

En 1776, Adam Smith démontra que le travail permettait de créer la richesse, le développement économique et donc, le progrès social. Au même titre que l’usure, le travail transforme le temps en argent. La mesure plus précise du temps de l’horloge permit aux employeurs de mieux contrôler le rendement du travail. En mesurant le temps de travail dépensé pour produire un produit fini, l’horloge permettait de quantifier le coût de production horaire d’une unité produite. En intégrant le coût de production horaire au prix de vente de la marchandise, l’entrepreneur transforme le temps en argent. En transformant des matières premières (coton, laine, soie, etc.) en produits finis (robes, costumes, uniformes, etc.), le temps de travail produit des marchandises qui, lorsqu’elles sont vendues sur un marché, se transforment en argent.

En se transformant en argent, le travail contribua également à accélérer le déclin du pouvoir temporel de Dieu au profit de celui de l’argent. Pour Adam Smith, l’accumulation d’argent n’était pas une fin en soi. En travaillant avec persévérance, non seulement l’individu développe sa confiance, améliore sa condition, accède au bien-être matériel et à la liberté, mais en plus, il permet à la société d’accéder à la prospérité. En canalisant les passions humaines, le travail transforme les passions en intérêt et l’intérêt individuel en intérêt pour tous. La richesse n’est pas recherchée pour elle-même, mais pour le regard, l’attention, la sympathie, l’admiration, le respect et l’envie qu’elle suscite[20]. L’admiration des pauvres et des moins riches pour les plus riches apparaît donc comme un facteur de soumission, de subordination, de stabilité et donc, d’ordre social.

Sous l’ancien régime, un Homme naissait noble ou roturier. Qu’il soit un artisan, un laboureur, un ouvrier agricole ou un riche bourgeois, s’il n’était pas noble, il était désigné sous le terme de roturier. Quel que soit le montant de sa fortune, les privilèges d’un noble sans le sou étaient supérieurs à ceux d’un riche bourgeois. Étant donnée, que seule la noblesse avait le droit et le privilège de porter l’épée, le port de l’épée était pour le noble un moyen concret d’affirmer son appartenance sociale, de se distinguer des roturiers et d’obtenir le respect d’autrui. Les mœurs et les passions humaines n’étant pas pacifiées, le fait de porter une épée était souvent à l’origine de conflits violents et meurtriers. Afin de pacifier les rapports humains, Thomas Hobbes proposa de nouveaux critères de distinction sociaux fondés sur la quantification financière. En effet, selon Thomas Hobbes,

« L’homme est essentiellement une fonction de la société et sera en conséquence jugé selon la valeur de [sa] fortune…son prix ; c’est-à-dire pour autant qu’il serait donné contre l’usage de son pouvoir. »[…] « La raison n’est rien d’autre que des comptes ».[…] « Ce prix est constamment évalué et réévalué par la société et l’ « estime des autres » variant selon la loi de l’offre et de la demande. »[21]

La raison n’étant rien d’autre que des comptes, la valeur d’un homme et l’estime qu’il reçoit des autres sont constamment évaluées par la société en fonction de la loi de l’offre et de la demande. Étant quantifiable, l’argent permet d’évaluer de manière objective, rationnelle et impartiale la légitimité de l’autorité d’un individu. À partir de ce raisonnement, son pouvoir repose sur le prix qu’il est capable de payer pour en obtenir l’usage. En transformant l’argent en un moyen de puissance et de conquête du pouvoir, Hobbes en a fait l’étalon de la valeur d’un individu. En accumulant toujours plus d’argent, non seulement, il affirme sa réussite, se distingue des autres et prouve son élection divine, mais en plus, il suscite l’envie et l’admiration d’autrui. Ce revirement des valeurs contribua à transformer la compétition pour l’accumulation financière en principe de vie. Étant donné qu’ils transforment le temps en argent, le travail et l’usure sont donc devenus les instruments de l’autorité et du pouvoir de l’ordre bourgeois. En transformant l’accumulation d’argent en critère de réussite et en instrument de la régulation pacifique de la société, Thomas Hobbes et Adam Smith ont permis de légitimer l’émergence d’un utilitarisme moral favorable à l’idéologie bourgeoise. C’est ainsi que le travail et l’argent, qui ne sont que des moyens, sont progressivement devenus une finalité en soi et la raison d’être de la bourgeoisie.

Les profits étant étroitement liés au temps de travail, pour s’enrichir, la bourgeoisie avait besoin d’augmenter le nombre de jours de travail et donc, les heures de travail. Sous l’ancien régime, l’Église et les corporations réglementaient la durée de la journée de travail et fixaient les jours chômés. Même si elle pouvait parfois s’élever à 16 heures en été et à 12 heures en hiver[22], la durée de la journée de travail était la même qu’au moyen âge. En ce qui concerne le nombre de jours chômés, l’Église et certaines corporations en proposaient constamment de nouveau. En comptant les 52 dimanches, les 52 demi-journées du samedi, les 45 jours de fête religieuse[23], les 60 jours de certaines corporations[24] et le carnaval, le nombre de journées chômées pouvait atteindre 200 jours par an[25].

En plus des jours chômés, les employeurs étaient confrontés à la répugnance au travail des ouvriers. Au lieu de travailler plus et d’intensifier leurs efforts pour gagner plus, ils se contentaient de travailler le nombre d’heures nécessaires pour assurer leurs subsistances.

En 1747, J Smith écrivait « C’est un fait bien connu, que pour l’ouvrier qui peut subvenir à ses besoins en travaillant trois jours sur sept sera oisif et ivre le reste de la semaine… Les pauvres ne travailleront jamais un plus grand nombre d’heures qu’il n’en faut pour se nourrir et subvenir à leurs débauches hebdomadaires… Nous pouvons dire sans crainte qu’une réduction des salaires dans les manufactures de laine serait une bénédiction et un avantage pour la nation – et ne ferait pas de tort réel aux pauvres. »[26]

L’exposé du révérend protestant J.Townsend, qui date de la fin du 18e siècle, allait dans le même sens. « L’obligation légale du travail donne trop de peine, exige trop de violence et fait trop de bruit ; la faim au contraire est non seulement une pression paisible, silencieuse et incessante, mais comme le mobile le plus naturel du travail et de l’industrie elle provoque aussi les efforts les plus puissants. Perpétuer la faim du travailleur, c’est donc le seul article important de son code de travail. »[27]

La bourgeoisie imputait la répugnance au travail des ouvriers à la paresse et à l’indolence et percevait les jours chômés comme l’occasion de beuveries, de bagarres, de désordre, de débauche et de dilapidation des biens. Afin de lutter contre l’oisiveté et de rétablir l’ordre social, elle proposait de les faire travailler davantage en réduisant les salaires et en augmentant le prix des subsistances.

Au 18e siècle, comme elle occupait 80 % de la population, la principale activité économique était l’agriculture. Sous l’ancien régime, comme l’un des premiers devoirs d’un Roi était de garantir les subsistances, s’il ne remplissait plus ce devoir, le peuple n’était plus tenu de lui obéir. Comme les grains étaient indispensables aux subsistances, il était interdit de s’enrichir avec le commerce des grains.. En 1750, un ouvrier gagnait 20 sols par jour lorsqu’il travaillait. Son repas était pour l’essentiel composé d’une miche de pain de 4 livres qui coûtait 8 sols[28]. Les 200 jours chômés n’étant pas payés, le revenu de 3 300 sols qu’il percevait en travaillant 165 jours lui permettait juste d’assurer sa subsistance durant 365 jours.

La doctrine idéologique, qui considère la régulation des prix comme un frein à la liberté et une atteinte à la propriété, est apparue avec les physiocrates au milieu du 18e siècle. Sous l’ancien régime, la richesse provenait de l’agriculture. Étant donné que le peuple dépendait des grains pour sa subsistance, son commerce était régulé par l’État. Les physiocrates affirmaient que la liberté du commerce des grains permettrait de baisser les prix, d’augmenter les salaires, de garantir un « juste profit », d’éviter les disettes et de renflouer les caisses de l’État. Le 17 juin 1787, malgré les expériences catastrophiques qui avaient eu lieu entre 1763 et 1770[29] et entre 1774 et 1775[30], sous la pression des physiocrates et du parlement, Louis XVI autorisa à nouveau la liberté du commerce des grains[31].

À cause de la spéculation sur le commerce des grains, à la veille de la révolution de 1789, la miche de pain coûtait 14 sols, soit une hausse de 75 % par rapport à 1750. En se combinant, l’augmentation du nombre de jours chômés et la hausse des prix du pain ne permettaient plus à l’ouvrier d’assurer sa subsistance. Pour subvenir à ses besoins essentiels, il était donc contraint d’augmenter son temps de travail. Non seulement la liberté du commerce des grains a permis à la bourgeoisie de s’enrichir, mais en plus, elle lui donnait les moyens de justifier la réduction des jours chômés et donc, l’augmentation des heures de travail.

En s’agrégeant entre eux, l’horloge, l’imprimerie, l’éthique protestante, la recherche scientifique, le progrès technique des armes, les manufactures royales, la quantification, l’autorisation de l’usure de Calvin, le rapport au travail et à l’argent d’Adam Smith et de Thomas Hobbes ont transformé, d’une part, le travail en vocation et en source de profits, et, d’autre part, la réussite financière et matérielle en signe d’élection divine et en étalon de la valeur de l’homme. En se constituant en bloc de temps homogène, le travail et l’argent sont devenus les valeurs objectivement dominantes de la société. Même si l’Église et la noblesse se considéraient encore comme les catégories dominantes, leur autorité s’effondrait au profit de la bourgeoisie. Les temps sociaux du travail et de l’argent étant désormais dominants, la société se transformait, elle changeait de temps. C’est une période de l’Histoire où quelque chose était en train de naître, mais qui n’était pas encore là. Ce « temps » où tout bascule était celui d’un « malaise temporel », de tensions et de crises de plus en plus aiguës. Les tensions, les conflits et les crises qui sont apparus lors de cette mutation étaient les symptômes que l’ordre religieux de la monarchie ne souhaitait pas laisser la place à l’ordre économique de la bourgeoisie qui était désormais dominante.

En ne reconnaissant pas que le temps social, la valeur et les modes de production du travail était dominant, l’ordre religieux a renforcé la crise du rapport au temps. Même si elle dénigrait et méprisait la bourgeoisie, comme elle était de plus en plus dépendante de son travail et de son argent, la noblesse était obligée de composer avec elle. Comme l’argent donnait les moyens d’influencer la politique, la bourgeoisie détenait un levier du pouvoir. Malgré le fait qu’elle avait perdu une partie de son pouvoir spirituel et temporel, l’Église chrétienne interdisait toujours l’usure, ainsi que le travail du dimanche et des jours de fête religieuse. Les 200 jours chômés de l’Église et des corporations apparaissaient donc comme une atteinte à la liberté d’entreprendre et aux intérêts de la bourgeoisie. Pour sa part, la monarchie et la noblesse détenaient encore le pouvoir politique et certains privilèges. Tandis que le Roi détenait le pouvoir de voter les lois et de lever les impôts, la noblesse avait le privilège d’être exemptée de la taille et d’accéder à des postes prestigieux dans l’administration et aux grades d’officier dans l’armée. Étant donné que la bourgeoisie souhaitait détenir le pouvoir politique, la lutte pour sa conquête et l’abolition des privilèges provoqua de multiples crises, dont la conclusion fut la Révolution française.

  • Le règne de l’argent roi, du travail et de la bourgeoisie.

La cinquième et dernière phase, qui est apparue après la Révolution française du 14 juillet 1789, provoqua le renversement politique de la monarchie au profit de la bourgeoisie. En permettant au temps économique de l’ordre bourgeois de se substituer au temps religieux de l’ordre monarchique, la Révolution française a permis à la société de se réconcilier avec son temps.

Sous l’ancien régime, quel que soit le montant de sa fortune, la condition d’un homme était dictée par sa naissance. En proclamant que tous les hommes étaient libres et égaux en droit, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen adoptée le 26 août 1789 a aboli les privilèges liés à la naissance. Les hommes étant désormais égaux, la bourgeoisie avait le droit de postuler à des postes prestigieux dans l’administration et l’armée. Ce n’était plus sa naissance, sa propriété foncière et ses rentes, mais sa capacité à entreprendre pour faire fructifier son argent qui désormais devenait le nouvel étalon de la valeur d’un individu. Étant donné qu’il permet de tout acheter (titres de noblesse, armes, mercenaires, temps de travail, etc.) et de corrompre la conscience des hommes et des femmes, l’argent est devenu le nouvel instrument du pouvoir. L’égalité des conditions et l’abolition des privilèges exacerbèrent la compétition sur le plan financier, professionnel et matériel. Exercer des fonctions prestigieuses, accumuler toujours plus d’argent et exhiber sa consommation ostentatoire sont devenus les moyens privilégiés d’affirmer sa réussite, de nourrir l’estime de soi, de légitimer son autorité et de se distinguer de la masse.

Comme l’affirmait Karl Marx « Le dieu du besoin pratique et de l’intérêt personnel, c’est l’argent. L’argent est le dieu jaloux d’Israël, devant qui nul autre dieu ne doit exister. L’argent avilit tous les dieux des hommes : il les transforme en une marchandise. L’argent est la valeur universelle de toutes choses, constituée pour soi-même. C’est pourquoi il a dépouillé le monde entier, le monde des hommes ainsi que la nature, de leur valeur originelle. L’argent, c’est l’essence aliénée du travail et de la vie de l’homme, et cette essence étrangère le domine, et il l’adore. »[32]

Étant totalement absorbée et aliénée par les profits financiers, la bourgeoisie a fait de l’argent son système de valeur, son Dieu, sa Religion. Afin de légitimer son autorité, elle a fait de son aliénation au travail et à l’argent les finalités et les raisons d’être de la société.

Dans la présentation des mémoires de Joseph Fouché, Edwy Plenel fait le même constat. « Fouché ferait plutôt figure honnête au milieu des corruptions dont il fut témoin, mais simplement parce que les jeux politiques étaient alors, sans doute, des jeux financiers, antichambre de notre modernité où l’argent sera promu en valeur des êtres et des choses. »[33]

La production de « l’économie du salut » fut donc remplacée par la production du « salut par l’économie ». Le travail et l’argent étant les valeurs dominantes, la légitimité de l’autorité d’un individu et sa place dans la hiérarchie sociale étaient déterminées par sa fortune et sa position occupée dans la division sociale du travail. En devenant la condition naturelle de l’existence de l’homme, le travail est devenu la religion des temps modernes. Étant toutes deux issues du travail, la classe bourgeoise et la classe ouvrière incarnaient désormais les nouvelles catégories sociales de l’ordre économique.

Comme elle détenait tous les pouvoirs (temporel, spirituel, économique et politique), la bourgeoisie avait désormais la responsabilité de voter les lois, d’organiser le rythme de la société et de maintenir l’ordre social. Le fait que la noblesse soit exemptée de la taille était considéré par la bourgeoisie comme un privilège inégalitaire. Afin de rétablir l’égalité face à l’impôt, ce privilège fut aboli le 25 septembre 1789 et la taille fut supprimée le 10 avril 1791[34]. Afin de renforcer son pouvoir, les 3 et 12 octobre 1789, la bourgeoisie également fit abroger la loi sur la prohibition de l’usure qui autorisa le prêt à intérêt[35]. En légalisant le prêt à intérêt, la bourgeoisie favorisa l’emprise des banques sur l’économie et la politique. En transformant le temps en argent, l’usure fit de l’argent le nouveau Dieu de l’ordre économique naissant. Étant donné que les banquiers avaient désormais le droit de créer de l’argent à partir du temps, le pouvoir temporel de la bourgeoisie devenait hégémonique.

Afin de s’enrichir, d’établir son autorité et de maintenir l’ordre social, la bourgeoisie organisa la société autour du travail. En accusant l’oisiveté de provoquer des beuveries, des bagarres et du désordre, pour rétablir l’ordre, elle proposa de réduire le nombre de jours chômés. Le 17 mars 1791, au nom de la liberté, le décret d’Allarde supprime les corporations[36]. En rompant avec les chaînes des corporations, d’une part, elle offrait à tous le droit et donc, la liberté d’exercer le négoce et le métier qu’ils souhaitaient et, d’autre part, elle supprimait les jours de fêtes chômées qui leur étaient liés. Le 14 juin 1791, toujours au nom de la liberté, elle vota la loi Le Chapelier qui donnait aux employeurs le droit de fixer le taux horaire du travail et de négocier le contrat de travail d’individu à individu. Ne permettant plus aux ouvriers d’opposer un rapport de force collectif pour défendre leurs intérêts et négocier les conditions de travail, cette loi favorisa « l’exploitation de l’homme par l’homme ».

Le calendrier, qui permet de planifier les activités économiques, politiques et sociales était également un instrument d’organisation, de contrôle et de stabilité sociale. Afin de s’affranchir des superstitions religieuses et du pouvoir temporel de l’Église, les révolutionnaires proposèrent une nouvelle datation de l’histoire et un nouveau calendrier. En proposant une nouvelle datation (1789 l’An 0, 1790 l’An I… 1805 l’An XVI), la bourgeoisie imposait son pouvoir temporel, sa vision du monde, ses valeurs et son autorité spirituelle. Le calendrier révolutionnaire, qui fut mis en place le 23 octobre 1793, était composé de 12 mois de 30 jours. Chaque mois était décomposé en 3 décades de 10 jours. En remplaçant la semaine par la décade, ce calendrier limitait le nombre de dimanche à 3 jours par moi et affaiblissait le culte religieux (Dieu créa le monde en six jours et se reposa le septième). En limitant le nombre de dimanche à 36 jours par an, la bourgeoisie supprimait 16 jours de repos. Même si le repos dominical était toujours en vigueur, comme il n’était plus soumis à une obligation religieuse, les ouvriers et les employeurs ne le respectaient plus.

Les jours du calendrier grégorien étant dédiés à des Saints (Saint-Paul, Saint-Marc, Saint-Mathieu, etc.), ils pouvaient être l’occasion de fêtes religieuses (Saint-Pierre, Saint-Jacques, etc.). Afin de les supprimer, la bourgeoisie remplaça les Saints par des noms d’outils agricoles, d’animaux domestiques, de fruits, de légumes, de fleurs, d’arbres, de plantes, de minéraux, etc. En remplaçant les Saints par des signes d’outils, non seulement, elle supprimait des fêtes religieuses, mais, en plus, elle célébrait la valeur du travail qui était la religion des temps modernes. Étant donné qu’il permettait de supprimer des dimanches et des jours de fête religieuse, le calendrier républicain apparaissait comme un moyen d’affranchir le peuple des superstitions religieuses.

La présentation du déclin de l’ordre religieux au profit de l’ordre économique montre comment le temps social dominant détermine les valeurs, le mode de production et la catégorie sociale dominante. La dynamique des temps sociaux fait également apparaître qu’un temps social dominant permet l’émergence d’un nouveau, qui deviendra à son tour dominant. Afin de comprendre le présent et de tenter d’éclairer l’avenir, en m’appuyant sur cette dynamique, je vais à présent tâcher d’appréhender les mutations sociétales provoquées par la réduction du temps de travail.

Jean-Christophe Giuliani

 

Cet article est extrait de l’ouvrage « En finir avec le chômage : un choix de société ! ». Ce livre permet d’appréhender les enjeux du choix entre la relance de la croissance du PIB ou de la réduction du temps de travail. Vous pouvez le commander sur le site des Éditions du Net sous un format ePub ou Papier.


Pour accéder aux pages suivantes :

– Historique de la réduction du temps de travail.

– Les enjeux du temps et de l’emploi du temps

–Temps social dominant et dynamique des temps sociaux.

[1] Rocher Guy, 3. Le changement Social : Introduction à la sociologie générale, Montréal, HMH, 1968, page 25.

[1] Martinau Jonathan, L’ère du temps, Modernité capitaliste et aliénation temporelle, Montréal, Lux, 2017, page 102.

[2] Cacérès Bénigno, Loisir et travail : du Moyen age à nos jours, Paris, Seuil, 1973, page 30.

[3] Ibid, page 32.

[4] Bible, La Bible de Jérusalem, Paris, Editions du Cerf, 1998.

[5] Duteil Gilles et Thomas-Taillandier Delphine, Usure, [En ligne] (consulté le samedi 9 mars 2017), https://www.cercle-k2.fr/files/Usure-2015.pdf

[6] Cacérès Bénigno, Op-Cit, page 32.

[7] Wikipédia, Usure, [En ligne] (consulté le 30 décembre 2017), https://fr.wikipedia.org/wiki/Usure_(finance)

[8] Le Goff Jacques, Marchands et banquiers du moyen age, Paris, PUF, 1956, page 77.

[9] Thompson Edward Palmer, Temps, discipline du travail et capitalisme industriel, Paris, La Fabriques, 2004, page 41.

[10] Le Goff Jacques, Op-Cit, page 78.

[11] Rocher Guy, 3. Le changement Social : Introduction à la sociologie générale, Montréal, HMH, 1968, page 72.

[12] Weber Max, L’étique protestante et l’esprit du capitalisme, Paris, Plon, 1964, page 111.

[13] Weber Max, Op.Cit, page 203.

[14] Schumpeter Joseph, Capitalisme, socialisme et démocratie, Paris, Payot, 1990, page 182.

[15] Cacérès Bénigno, Op-Cit, page 82.

[16] Méda Dominique, Qu’est ce que la Richesse ?, Paris, Aubier, 1999, page 25.

[17] Ibid, page 30

[18] La cité catholique, Prêter à intérêt est-il licite?, [En ligne] (consulté le samedi 9 mars 2017), http://www.cite-catholique.org/viewtopic.php?t=489

[19] Turgot, Mémoire sur le prêt d’argent, Paris, Institut Coppet, 2014.

[20] Smith Adam, Théorie des sentiments moraux, Paris, Payot & Rivages, 2006, page 136.

[21] Arendt Hannah, L’impérialisme, Paris, Arthème Fayard, 1982, page 36.

[22] Cacérès Bénigno, Op-Cit, page 92.

[23] Ibid, page 94.

[24] Ibid, page 92.

[25] Handwerker Marian, André Gorz, Mais qu’est-ce qu’ils pensent ?, 1990, [DVD], Bruxelles, SAGA Film.

[26] Gorz André, Métamorphoses du travail : critique de la raison économique, Paris, Galilée, 1988, page 43.

[27] Marx Karl, Le Capital Livre I section V à VIII, Paris, Flammarion, 1985, page 113.

[28] Gu Vs Histoire, (2018, 15 avril), Henry Gillemin : la Révolution et la Terreur (1789 – 1794), [Vidéo en ligne], https://www.youtube.com/watch?time_continue=2&v=Z8z46AKrUJM

[29] Bernard Alain, La guerre des farines, page 202 [En ligne] (consulté le 30 décembre 2017), https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01081675/document

[30] Wikipédia, Guerre des farines, [En ligne] (consulté le 11 mars 2014), http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_des_farines

[31] Louis XVI, Déclaration du roi, pour la liberté du commerce des grains. Donnée à Versailles le 17 juin 1787. Registrée en parlement le vingt-cinq juin mille sept cent quatre-vingt-sept, Paris, N H Nyon, 1787.

[32] Marx Karl, Philosophie, Paris, Gallimard, 1965, page 85.

[33] Fouché Joseph, Ministre de la police, Mémoires présentés par Edwy Plenel, Paris, Arléa, 1993, page XI.

[34] Books.google.fr, Recueil général des loi et des arrêts, [En ligne] (consulté le 17 mars 2018), https://books.google.fr/books?id=EwJdAAAAcAAJ&pg=PR8-IA24&lpg=PR8-IA24&dq=Les+lois+du+10+avril+1791+sur+la+suppression+de+la+taille&source=bl&ots=jCsoGY31z7&sig=iLpF6F6ki-g4Dz0JY0Y631oFBHQ&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiV55WRv_bZAhWEshQKHTjDAc0Q6AEIKjAB#v=onepage&q=Les%20lois%20du%2010%20avril%201791%20sur%20la%20suppression%20de%20la%20taille&f=false

[34] Wikipédia, Guerre des farines, [En ligne] (consulté le 11 mars 2014), http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_des_farines

[35] Duteil Gilles, Thomas-Taillandier Delphine, Op-Cit

[36] Wikipédia, Décret d’Allarde, [En ligne] (consulté le 18 avril 2018), https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9cret_d%27Allarde

Une réflexion sur « Le déclin de l’ordre religieux au profit de l’ordre économique »

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