Préserver son pouvoir d’achat en travaillant 3 jours

Jean-Christophe Giuliani

Pour que la semaine de 3 jours soit viable et désirable, le pouvoir d’achat des ménages doit sécuriser l’accès aux subsistances et à un minimum de confort matériel. Puisque le pouvoir d’achat est lié au taux horaire du travail, au temps de travail et à la part du Smic allouée aux subsistances, il existe de nombreux moyens de l’augmenter. En postulant qu’il faut réduire le temps de travail à salaire égal, les syndicats et les partis de gauche en empêchent la réduction. Tandis qu’un taux horaire du travail trop bas serait insuffisant, un trop élevé risquerait de provoquer une hausse des coûts de production unitaire et donc, des prix. Afin d’éviter une hausse des prix, qui provoquerait une diminution du pouvoir d’achat, il est donc nécessaire d’envisager sa hausse autrement.

Avant de proposer des solutions pour sécuriser l’accès aux subsistances, je commencerai par étudier l’évolution de la part du Smic allouée à l’alimentation et au logement. Afin de les sécuriser, je proposerai ensuite de remplacer le Smic par le « Revenu optimal ». Après avoir étudié séparément les causes de la hausse de ces dépenses, je proposerai des solutions pour les réduire. Pour montrer que le contrôle des prix ne relève pas d’une utopie, je terminerai ce travail en abordant l’histoire de la régulation et de la dérégulation des prix des subsistances.

L’évolution de la part du Smic allouée à l’alimentation et au logement.

Pour être viable et désirable, la semaine de 3 jours doit sécuriser l’accès aux dépenses consacrées à l’alimentation et au logement. Le graphique ci-dessous présente l’évolution des dépenses et de la part du Smic net mensuel allouée à l’alimentation et au logement de 1959 à 2013.

–  Source : Insee, 2.201 Consommations effectives par fonction à prix courants[1].
–  Source : Insee, 1.115 Produit intérieur brut et revenu national brut par habitant, Op.Cit.
–  Source : Insee, SM02 : salaire minimum de 1951 à 2005 (en euros courants)[2]
–  Source : Insee, SM01 : salaire minimum pour 35 heures hebdomadaires (en euros courants)[3]

La courbe des dépenses moyennes mensuelles par habitant allouées à l’alimentation et au logement a été obtenue en divisant les dépenses de consommation finale effective des ménages consacrée à ces dépenses par la population totale sur douze mois. Cette courbe correspond aux dépenses moyennes d’un individu indépendamment de son âge. J’ai pris en compte le Smic net mensuel d’un salarié à temps plein, car, d’une part, c’est le revenu qu’il perçoit réellement à la fin du mois, et, d’autre part, les évolutions de son taux horaire, du temps de travail et des prix ont un impact immédiat et visible sur la part allouée à ces dépenses et donc, sur son pouvoir d’achat.

De 1959 à 2013, les dépenses allouées à l’alimentation et au logement sont passées de 16 € à 578 €. Tandis que le montant du Smic net mensuel passait de 39 € à 1 121 €, la part du Smic allouée à ces dépenses passait de 41 % à 51,6 %, soit une hausse de 10,5 points. Le montant du Smic ayant été multiplié par 28,7, il n’a pas permis d’absorber la hausse de ces dépenses qui l’ont été par 36. Afin d’appréhender les causes de la perte de pouvoir d’achat des ménages, avec l’exemple d’Alain, qui est au Smic et caissier à temps plein, je propose d’étudier l’évolution des dépenses et de la part du Smic allouée à l’alimentation et au logement sur les périodes de 1959 à 1967, de 1967 à 1982, de 1982 à 2003 et de 2003 à 2013.

  • L’évolution de la part du Smic de 1959 à 2013.

En étudiant l’évolution de la part du Smic allouée aux subsistances, il est possible d’appréhender les causes de la hausse de ces dépenses. De 1959 à 1967, les dépenses d’Alain allouées à l’alimentation et au logement sont passées de 16 € à 30 €. Tandis que le montant du Smig net mensuel passait de 39 € à 52 €, la part qu’il allouait à ces dépenses passait de 41,1 % à 58 %. En passant de 41,2 % à 41,3 %[4], la hausse de 0,1 point de la part de la valeur ajoutée versée aux salaires et traitements bruts a provoquée une perte du pouvoir d’achat de 17,9 points. La revalorisation du Smig, qui avait été instauré par la loi du 11 février 1950[5], était indexée sur le taux d’inflation. L’indice des prix ayant augmenté de 31,4 %[6], la hausse du taux horaire a été de 36,5 %. Le montant du Smig ayant augmenté de 33,3 %, il n’a pas permis à Alain de compenser la hausse de ces dépenses qui étaient de 88,4 %.

De 1967 à 1982, les dépenses d’Alain allouées à l’alimentation et au logement sont passées de 30 € à 171 €. Tandis que le montant du Smic d’Alain passait de 52 € à 441 €, la part qu’il allouait à ces dépenses passait de 58,1 % à 38,7 %. En passant de 41,3 % à 45,9 %[7], la hausse de 4,6 points de la valeur ajoutée versée aux salaires a provoqué une hausse du pouvoir d’achat d’Alain de 19,4 points. Une partie de cette hausse est due à la revalorisation du Smig de 35 % obtenu lors des accords de Grenelle de mai 1968[8]. Le 2 janvier 1970, le Smig a été remplacé par le Smic. Le taux horaire du Smic étant indexée sur l’indice des prix à la consommation (article L141-3 du Code du travail[9]) et le salaire moyen (article L141-7), il augmentait plus vite que celui du Smig. Le taux d’inflation ayant été multipliés par 3,8 et le salaire moyen par 5,6, le taux horaire du Smic a été multiplié par 9. Le montant du Smic ayant été multiplié par 8,5, il a permis à Alain d’absorber la hausse des dépenses qu’il consacrait à l’alimentation et au logement qui a été multiplié par 5,7. En diminuant la part des dépenses, la hausse du Smic a provoqué une hausse du pouvoir d’achat d’Alain.

De 1982 à 2003, les dépenses d’Alain allouées aux subsistances sont passées de 171 € à 439 €. Tandis que le Smic passait de 441 € à 851 €, la part des dépenses d’Alain passait de 38,7 % à 51,6 %. En passant de 45,9 % à 42,1 %[10], la baisse de 3,8 points de la valeur ajoutée versée aux salaires a provoqué une perte de pouvoir d’achat d’Alain de 12,9 points. Cette perte est également due, dans une moindre mesure, à la loi Aubry sur les 35 heures. De 2000 à 2003, à cause des 35 heures, comme le montant du Smic a diminué de 0,6 %, il n’a pas permis de compenser la hausse des dépenses d’Alain qui ont augmenté 11,4 %. Le taux horaire du Smic ayant été revalorisé de 146 %, il n’a pas suivi la hausse de taux de l’indice des prix qui a augmenté de 81,9 % et celle de 106 % du salaire moyen. À cause de ce décrochage de 41,9 points, la revalorisation du montant du Smic de 94,9 % n’a pas permis à Alain de compenser la hausse de 157 % du budget alloué à ces dépenses. La mise en œuvre de la doctrine idéologique ultralibérale a donc provoqué une diminution du pouvoir d’achat d’Alain de 62,1 points.

De 2003 à 2013, les dépenses d’Alain sont passées de 439 € à 578 €. Tandis que le montant du Smic passait de 851 € à 1 121 €, la part qu’il allouait à ces dépenses se stabilisait à 51,6 %. En passant de 42,1 % à 42,7 %11], la hausse de 0,6 point de la valeur ajoutée versée aux salaires a provoqué la stagnation du pouvoir d’achat d’Alain. Même si le taux d’inflation a augmenté de 17,7 % et le salaire moyen de 24,4 %, le taux horaire du Smic a seulement été revalorisé de 31,2 %. À cause de cet écart de 10,9 points, la hausse du Smic de 31,7 % a juste permis d’absorber la hausse des dépenses allouées à l’alimentation et au logement sans augmenter le pouvoir d’achat d’Alain. La hausse du Smic a donc juste compensé la perte occasionnée par les 35 heures.

Cette étude montre que le pouvoir d’achat des ménages est étroitement lié au taux horaire du Smic, au temps de travail, à la valeur ajoutée versée aux salariés, ainsi qu’aux dépenses allouées à l’alimentation et au logement. Pour l’augmenter, il suffit donc d’agir sur l’un de ces facteurs.

  • Le pouvoir d’achat des salariés qui travailleront 3 jours par semaine.

La doctrine idéologique néolibérale, dont les principes de base sont le libre marché, la dérégulation des prix et la privatisation des services publics, a été mise en œuvre à partir de 1983. De 1982 à 2013, la part de la valeur ajoutée versée aux salaires est passé 45,9 % à 42,7 %. À cause de cette baisse de 2,2 points, la part du Smic allouée à l’alimentation et au logement d’Alain est passée de 38,7 % à 51,6 %. Il a donc subi une perte de pouvoir d’achat de 12,9 points.

En 2013, si la durée légale de la semaine de travail d’Alain était passée à 24 heures, à taux horaire constant, son salaire net mensuel aurait été de 768 € en travaillant 3 jours. Le montant des dépenses allouées à l’alimentation et au logement étant de 578 €, la part du Smic, qu’Alain aurait alloué à ces dépenses, serait passée de 51,6 % à 75,3 %. À cause de cette hausse de 23,7 points, le pouvoir d’achat d’Alain n’aurait pas été viable et désirable.

En 1982, avant la mise en place de cette doctrine idéologique, la part de ces dépenses était de 38,7 %. Pour que le revenu d’un salarié qui travaillera 3 jours soit viable et désirable, cette part doit donc passer de 75,3 % à 38,7 %. Pour qu’elle diminue de 36,6 points, je propose d’intervenir sur le taux horaire du travail et les dépenses allouées à l’alimentation et au logement.

Quels sera le montant du revenu des salariés qui travailleront 3 jours ?

En France, le salaire minimum est fixé par le Smic, dont le taux horaire était de 9,43 € en 2013. À taux horaire constant, en travaillant 104 heures par mois, un salarié gagnerait 768 € net. Pour que la part allouée à l’alimentation et au logement diminue de 36,6 points, le taux horaire du salaire minimum doit donc augmenter. Les syndicats et les partis de gauche proposent de réduire le temps de travail à salaire égal. Si, en travaillant 3 jours, un salarié au Smic percevait le même revenu qu’en travaillant 5 jours, son taux horaire passerait de 9,43 € à 13,75 €. Tandis qu’un taux horaire trop bas serait insuffisant, une hausse de 45,8 % risquerait de provoquer une hausse des coûts de production unitaire et donc, des prix. Afin d’éviter une hausse des prix, je propose de fixer une fourchette de rémunération comprise entre un « Revenu optimal » et un « Revenu maximum ».

  • Quel sera le montant du revenu optimal ?

Dans le cadre de la semaine de 3 jours, le Smic sera remplacé par le revenu optimal. Le calcul du taux horaire du revenu optimal, qui repose sur l’équation ci-dessous, prend en compte le taux horaire de 1951, la valeur ajoutée (salaires et traitements bruts) et les actifs qui occupent un emploi à temps plein.

– Soit, PAe1951 est la population active occupe emploi temps plein : 19 359 125[12].
– « , PAe2013 est la population active occupe emploi temps plein : 25 589 586.
– « , STe1951 est le montant salaires et traitements bruts : 6 620 600 000 €[13].
– « , STe2013 est le montant salaires et traitements bruts : 808 911 000 000 €.
– « , TH1951 est le taux horaire Smig : 0,14 €[14].
– « , ΤHBROpt2013 est le taux horaire revenu optimal brut :

Tandis qu’en 1951, 19,3 millions de salariés à temps plein se partageaient 6,6 milliards € de salaires de traitements bruts, en 2013, 25,5 millions se partageaient 806 milliards €. Le taux horaire du Smig de 1951 (TH1951) étant de 0,14 €, celui du revenu optimal brut de 2013 sera de 12,54 €. Le taux horaire du Smic étant de 9,43 €, celui du revenu optimal sera supérieur de 32,6 %.

Le Taux horaire du revenu optimal brut de 2013 (ΤHBROpt2013) calculé, il est nécessaire de calculer le montant du revenu optimal brut mensuel (BROptm) avec la formule suivante :

– Soit, ΤHBROpt2013 est le taux horaire revenu optimal brut : 12,54 €.
– « , DLm est la durée légale temps travail mensuel : 104 heures.
– « , BROptm est le montant revenu optimal brut mensuel.

La durée légale du temps de travail mensuel (DLm) étant de 104 heures et le ΤHBROpt2013 de 2013 étant de 12,5 €, le montant du revenu optimal brut mensuel (BROptm) sera de 1 304 €.

Le BROptm calculé, il est possible de calculer le montant du revenu optimal net mensuel (NROptm). Dans le cadre de la semaine de 3 jours, les salariés cotiseront aux caisses d’assurances maladie et de retraite et seront exemptés de la CSG. Puisqu’il n’y aura plus de chômage, les cotisations aux Assedic seront supprimées. La formule ci-dessous permet de calculer le NROptm.

– Soit, BROptm est le revenu optimal brut mensuel : 1 304 €.
– « , TAMs est le taux assurance maladie salariale : 0,75 %[15].
– « , TAVs est le taux assurance vieillesse salariale : 10,55 %.
– « , MAMs est le montant cotisations assurance maladie salariale.
– « , MAVs est le montant cotisations assurance vieillesse salariale.
– « , MSSs est le montant cotisations sociales salariales.
– « , NROptm est le montant revenu optimal net mensuel.

En 2013, la contribution à l’assurance maladie et à l’assurance vieillesse des salariés était respectivement de 0,75 % et de 10,55 %. Le MAMs et le MAVs étant de 9,8 € et de 137 €, le MSSs s’élèvera à 147 € par mois. En soustrayant 147 € au BROptm de 1 304 €, le NROptm, d’un salarié au revenu optimal sera de 1 157 € par mois.

Afin de fixer une grille de rémunération, je propose de calculer le « Revenu Maximum ».

  • Quel sera le montant du revenu maximum ?

Le revenu maximum correspond au salaire maximum que les cadres percevront en travaillant 3 jours par semaine. En 2013, le salaire moyen de 20 % des salariés, qui se situent entre le 9e et le 10e décile, fluctuait entre 3 544 € et 8 061 € net par mois[16]. Puisque ces cadres se partagent plus de 50 % des salaires et traitements bruts, pour réduire le coût du travail, je propose de plafonner leurs rémunérations. Le revenu maximum est calculé à partir du partage des salaires et traitements bruts entre les effectifs qui occupent un emploi à temps plein. L’équation ci-dessous permet de calculer le taux horaire du revenu maximum (ΤHBRMax) et le montant du revenu brut mensuel (BRMax).

– Soit, STe2013 est le montant salaires et traitements bruts : 808 911 000 000 €.
– « , PAe2013 est la population active occupe emploi temps plein : 25 589 586.
– « , M est le nombre mois dans année  : 12 mois.
– « , DLm est la durée légale temps travail mensuel : 104 heures
– « , BRMaxn est le montant revenu optimal brut mensuel.
– « , ΤHBRMax2013 est le taux horaire revenu maximum brut :

En 2013, en se partageant 808 milliards € de salaires et traitements bruts sur 12 mois, les 25,5 millions d’actifs à temps plein percevaient un revenu brut mensuel (BRMax) de 2 634 €. Comme la durée légale du temps de travail mensuel sera de 104 heures, le taux horaire du revenu maximum brut (ΤHBRMax) sera de 25,33 €. Le taux horaire maximum d’un cadre qui travaillera 3 jours par semaine sera donc de 25,3 €.

Le BRMaxm calculé, avec la formule ci-dessous, il est possible de calculer le montant du revenu maximum net mensuel.

– Soit, BRMaxm est le montant revenu maximum brut mensuel : 2 634 €.
– « , TAMs est le taux assurance maladie salariale : 0,75 %.
– « , TAVs est le taux assurance vieillesse salariale : 18,35 %.
– « , MAMs est le montant cotisations assurance maladie salariale.
– « , MAVs est le montant cotisations assurance vieillesse salariale.
– « , MSSs est le montant cotisations sociales salariales.
– « , NRMaxm, est le montant revenu maximum net mensuel

En 2013, la contribution à l’assurance maladie et à l’assurance vieillesse des cadres était respectivement de 0,75 % et de 18,35 %. Le MAMs et le MAVs étant de 19,8 € et de 483 €, le MSSs s’élèvera à 503 € par mois. En soustrayant 503 € au BRMaxm de 2 634 €, le montant du revenu maximum net mensuel (NRMaxm) d’un cadre sera de 2 131 € par mois.

Dans le cadre de la semaine de 3 jours, le taux horaire brut fluctuera entre 12,5 € et 25,3 € et le revenu net mensuel entre 1 150 € et 2 130 €. Le taux horaire du revenu optimal étant de 12,5 €, le salarié qui travaillera 104 heures par mois percevra un salaire net 1 150 €. En 2013, le Smicard, qui travaillait 5 jours, percevait 1 121 €. Étant exonéré des Assedic et de la CSG, le revenu net mensuel du salarié qui travaillera 3 jours sera donc supérieur de 3,2 %. Comme il sera indexé au taux d’inflation, le taux horaire du revenu optimal augmentera également au rythme de l’indice des prix.

Avec un revenu de 1 150 €, la part des dépenses allouées à l’alimentation et au logement sera de 50,3 %. Cette part serait viable si elle revenait à 38,7 %. Pour qu’elle passe de 578 € à 445 €, je propose de la réduire de 23 % en intervenant sur ces dépenses.

Comment intervenir sur les dépenses allouées à l’alimentation ?

Pour être viable et désirable, le revenu de 1 150 € doit sécuriser les moyens de se nourrir. Le graphique ci-dessous présente l’évolution des dépenses et de la part du Smic net mensuel allouée à l’alimentation de 1959 à 2013.

–  Source : identiques au graphique « Dépenses et part du Smic allouées à l’alimentation et au logement ».

De 1959 à 2013, les dépenses allouées à l’alimentation sont passées de 11,2 € à 193 €. Tandis que le montant du Smic net mensuel passait de 39 € à 1 121 €, la part du Smic allouée à ces dépenses passait de 28,7 % à 17,3 %. Les dépenses ayant été multipliées par 17,3, la baisse de la part du Smic de 11,4 points n’est donc pas due à leur diminution, mais à la hausse du Smic, qui a été multiplié par 28,7. Pour que le revenu de 1 150 € soit viable, ces dépenses doivent donc diminuer. Avant de proposer des solutions, je propose d’identifier les causes de la hausse des dépenses allouées à l’alimentation et des prix des produits alimentaires.

  • Quelles sont les causes de la hausse des dépenses allouées à l’alimentation ?

De 1959 à 2013, l’industrie agroalimentaire et les cabinets de conseils en marketing ont multiplié par 17,3 les dépenses allouées à l’alimentation en intervenant sur l’offre et les prix. Pour augmenter les dépenses, ils ont augmenté la largeur de l’offre des produits alimentaires transformés. Une alimentation saine et équilibrée apporte les substances nutritives nécessaires au bon fonctionnement de l’organisme. Elle nécessite de boire 1,5 litre d’eau par jour et de manger au quotidien 5 portions de 120 g de fruits et de légumes, 3 portions de 75 g de riz complet, de quinoas, de maïs, de patates douces ou de légumineux (lentilles, haricots, pois chiches, etc…), 30 g d’oléagineux (noix, amandes, noix de cajou, etc…), 2 à 3 œufs, 30 g de fromage, de 2 à 3 cuillères de 30 g d’huile d’olive, ainsi que 1 à 2 parts de poisson par semaine (sardine, maquereau, saumon, etc…).

Pour vivre plus longtemps et en bonne santé, il est non seulement conseillé d’éviter de manger trop de viande, de charcuterie et d’aliments glucidiques à index glycémique élevé (pâtes blanches, pain et riz blanc, etc…), mais surtout, de limiter considérablement, voire de supprimer les alcools forts et les boissons sucrées (sodas, jus de fruits, etc…), les produits sucrés (bonbons, pâtisseries, glaces, confitures, etc…) et les aliments transformés (snacks, produits frits, plats préparés, viandes transformées, etc…) qui contiennent trop de sel, de sucres, de matières grasses et d’additifs alimentaires (colorant, conservateur, antioxydant, édulcorants, glutamate, etc…).

Bien que les aliments frais et naturels favorables à une alimentation saine et équilibrée soient relativement limités, l’offre des produits alimentaires transformés ne cesse d’augmenter. En effet, le consommateur qui se rend dans les rayons alimentaires d’un hypermarché est confronté à une augmentation constante de la largeur et de la profondeur de l’offre. Par exemple, de 1999 à 2009, le nombre de références de plats préparés frais est passé de 91 à 174, soit une hausse de 91 %[17], celui des yaourts est passé de 209 à 281, soit une hausse de 35 %[18], etc… L’industrie agroalimentaire n’élargit pas l’offre pour nourrir la population, mais pour augmenter ses profits. En élargissant l’offre, elle tente de conquérir des niches de consommateurs toujours plus étroites disposées à acheter des produits qui se distinguent par leurs marques, leurs prix, leurs qualités, ainsi que pour leurs « fonctions nutritives » et leurs « bienfaits pour la santé » plus ou moins avérée.

Afin d’appréhender ce processus, je vais prendre l’exemple du besoin de s’hydrater. Pour s’hydrater, un individu a besoin de boire en moyenne 1,5 litre d’eau par jour. Afin de le détourner de l’eau du robinet, de multiples marques d’eau en bouteille sont apparues sur le marché (évian, Vittel, etc…). En communicant sur la qualité, la pureté et les bienfaits de l’eau en bouteille, ces marques motivent le consommateur à payer 1 € le litre d’eau au lieu de 0,003 €. En achetant une bouteille d’eau minérale de marque, le consommateur satisfait son besoin physiologique et de sécurité. En effet, en acceptant de payer 1 € la bouteille, il étanche sa soif en ayant le sentiment de boire une eau de qualité. La consommation d’eau en bouteille a un impact direct sur la hausse des dépenses allouées à l’alimentation. En 2013, comme ces dépenses s’élevaient à 193 €, si une bouteille de 1,5 litre coûtait 1 €, un individu qui en aurait bu une par jour aurait consacré chaque mois 30 €, soit 15,5 % de ses dépenses alimentaires. En consommant uniquement l’eau du robinet, il aurait seulement dépensé 0,09 €, soit 0,05 % de ses dépenses.

Malgré le fait que l’eau soit la boisson la mieux adaptée pour étancher la soif, les linéaires des hypermarchés offrent une largeur et une profondeur disproportionnée de boissons sans alcool (boissons aux fruits, soda, thé glacé, Pulco, etc…). De 1999 à 2009, en passant de 167 à 242 références, l’offre a progressé de 45 %[19]. La vocation de ces boissons aux goûts agréables n’est pas d’étancher la soif, mais de procurer un plaisir primaire. Étant donné que cette forme de plaisir s’épuise rapidement, pour s’en procurer à nouveau, le consommateur est motivé à renouveler fréquemment son acte d’achat et à accepter de payer ces boissons entre 0,80 et 5,50 € le litre. Au même titre que l’eau en bouteille, la consommation de ces boissons a un impact sur les dépenses allouées à l’alimentation. Une bouteille de Coca Cola de 1,5 litre coûte 1,55 € en Hypermarché. À raison d’une bouteille par jour, ce coût représente 46,5 €, soit 24 % des dépenses alimentaires. Il est possible de généraliser l’exemple du besoin de s’hydrater à l’ensemble des besoins de nutrition.

Afin d’augmenter les dépenses allouées à l’alimentation, ils ont élargi la profondeur de l’offre des produits alimentaires transformés. Face à la prolifération des organismes génétiquement modifiés (OGM) et à la multiplication des scandales sanitaires : le bœuf aux hormones, le lait maternel et les huiles frelatées, la crise de la vache folle, le scandale de la dioxine, les poulets à la dioxine, etc…, les consommateurs sont de plus en plus soucieux de la qualité sanitaire des produits alimentaires. Afin de répondre à leurs inquiétudes, les industriels de l’agroalimentaire et les enseignes de la grande distribution proposent des marques et des labels qui sont censés garantir la qualité et la sécurité sanitaire d’un produit. Au lieu de proposer une offre de qualité à un prix raisonnable, ils proposent une offre toujours plus profonde. La profondeur de l’offre permet de créer une échelle de prix entre des produits de bonnes ou de mauvaise qualité qui se distinguent par leurs prix : le 1er prix à la qualité douteuse, le produit de marque distributeurs (carrefour, Auchan, etc…) à la qualité moyenne et au prix moyen, le produit de marque (Danone, Nestlé, etc…) à prix élevés, ainsi que le produit labellisé (label rouge, critères qualité certifiés, etc…) et bio (Agriculture biologique, etc…) à la qualité et aux prix très élevés. En fonction de l’importance qu’il accorde à la qualité des produits et à sa santé, le consommateur aura, le choix entre une fourchette de prix qui varient du simple au triple (4 tranches de jambon cuit : 1er prix 1,38 € et Bio Fleury Michon 4,76 €, soit un écart de 245 %). Ce processus contribue à créer un modèle de consommation à deux vitesses : les consommateurs aisés qui consomment des produits dont la qualité est certifiée par un prix élevé et ceux qui consomment des produits « Low cost » de qualité douteuse à prix bas. Ce qui est vrai pour les produits alimentaires l’est également pour de nombreux biens et services marchands (vêtements, meubles, électroménagers, voitures, smartphones, etc…). En permettant une hausse des prix, l’augmentation de la largeur et de la profondeur de l’offre des produits alimentaires transformés a provoqué la hausse des dépenses et de la part du Smic allouées à l’alimentation.

  • Les causes de la hausse des prix des produits alimentaires.

Pour que les prix augmentent, ils doivent être fixés librement. Afin d’autoriser les acteurs économiques à les fixer librement, les politiques ont créé un cadre juridique favorable à la liberté des prix. Avant 1986, les prix étaient régulés par l’Ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945 relative aux prix[20]. À cause de cette ordonnance, les prix des biens et des services (alimentation, logement, eau, gaz, électricité, etc…) n’étaient pas fixés librement, mais par des arrêtés ministériels. Pour que l’État ait les moyens de remplir sa mission, les entreprises devaient communiquer les informations relatives à leur activité : la justification des prix pratiqués, les éléments qui composent le prix et le coût analytiques des biens et services, etc… En abrogeant l’ordonnance de 1945, l’Ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence[21] a permis de fixer les prix librement en fonction de la loi du marché. Les prix étant libres, le prix d’un même produit peut varier d’un magasin à l’autre, d’une enseigne à l’autre, voire d’un magasin d’une même enseigne à l’autre en fonction de sa taille (Carrefour, Market, City, Express, etc…) et de sa localisation géographique (région, ville, quartier, centre-ville ou périphérie, etc…). À Lille, le prix de quatre tranches de jambon cuit, dont la marque et la référence sont identiques, peut fluctuer entre 2,99 € et 2,24 €, soit un écart de 33,5 % d’un magasin d’une même enseigne à l’autre.

Même si les prix étaient libres depuis 1986, les commerçants ne pouvaient pas se permettre de les augmenter trop brutalement sans que cela soit visible. Avant d’augmenter les prix, il était nécessaire de brouiller les repères dans l’esprit du consommateur. En brouillant les repères, le passage à l’euro, qui a eu lieu en France le 1er janvier 2002, a masqué la dérégulation des prix. Tandis qu’en 2000, le prix d’un sandwich était de 10 francs (1,52 €), en 2013 il était à 4,5 € (30 francs), soit une hausse de 195 %. Avant le passage à l’euro, aucune personne sensée n’aurait accepté de payer un sandwich 30 francs. À cause du brouillage des repères, un sandwich à 4,5 € semble aujourd’hui normal. Ce qui est vrai pour le sandwich l’est pour de nombreux biens et services de consommation : une bouteille d’eau (en 2018, 75 cl d’évian coûtait 3,5 € dans une boutique de la gare de Marseille), un café pris en terrasse (Lille 5 francs en 2000 et 1,5 € en 2013), les croissants, les pâtisseries, les vêtements, les vélos, etc… Même si l’euro apparaît comme le principal responsable de la hausse des prix, il a juste masqué le véritable coupable. En effet, sans la liberté des prix autorisée par l’ordonnance de 1986, malgré le passage à l’euro, les commerçants n’auraient pas eu le droit de fixer les prix librement et donc, de les augmenter.

  • Les causes de la stagnation du taux d’inflation et du Smic.

Depuis le passage à l’euro et la dérégulation des prix, de nombreux consommateurs affirment que les prix de certains produits alimentaires auraient fortement augmenté. L’enquête sur les prix, publiée par Nice-Matin en 2012, invite à questionner ce taux. Le tableau ci-dessous compare l’évolution des prix de produits de consommation courants entre 2000 et 2010.

–  Source : Nice-Matin, « Franc-Euro : notre enquête »[23].

En comparant les écarts de prix entre le Franc et son équivalent en euro, ce tableau montre qu’entre 2000 et 2010, le prix d’un litre de lait a augmenté de 59,7 %, de six œufs de 60,3 %, d’une baguette de 75 %, de 2,5 kg de pommes de terre de 96,3 % et d’une laitue de 206 %. Puisqu’entre 2002 et 2013, le taux d’inflation a seulement augmenté de 20,1 %[22], les experts de l’Insee affirment que le passage à l’euro n’a pas provoqué une flambée des prix[24]. Affirmer qu’il aurait provoqué une hausse de prix compris entre 50 % et 200 % sur certains produits apparaît donc comme une erreur de perception de la réalité.

En comparant les écarts de prix entre le Franc et son équivalent en euro, ce tableau montre qu’entre 2000 et 2010, le prix d’un litre de lait a augmenté de 59,7 %, de six œufs de 60,3 %, d’une baguette de 75 %, de 2,5 kg de pommes de terre de 96,3 % et d’une laitue de 206 %. Malgré ce constat, les experts de l’Insee affirment que . Puisqu’entre 2002 et 2013, le taux d’inflation a seulement augmenté de 20,1 %, affirmer que le passage à l’euro aurait provoqué une hausse de prix compris entre 50 % et 200 % sur certains produits apparaît donc comme une erreur de perception de la réalité.

Afin d’infirmer ou de confirmer cette affirmation, je propose d’étudier le mode de calcul de l’indice des prix à la consommation (IPC). L’IPC, qui permet d’estimer entre deux périodes données la variation moyenne des prix des produits consommés par les ménages, est l’instrument de mesure de l’inflation. Publié chaque mois au Journal Officiel, l’IPC hors tabac sert à indexer le Smic, de nombreux contrats privés, les pensions alimentaires et les rentes viagères.

Le calcul de l’IPC repose sur l’observation d’un panier fixe de 1 000 familles de produits regroupés au sein de 161 groupes, actualisé chaque année. Ces groupes comprennent des biens et des services destinés aux subsistances (alimentation, loyer, énergie, eau, santé, etc…) et d’autres, qui sont plus ostentatoires (habillement, transport, informatique, communication, voyage, etc…), destinés à s’identifier à un groupe, à se distinguer et à affirmer sa réussite. Le tableau ci-dessous présente les variations moyennes annuelles de l’indice des prix de 2014 à 2015.

–  Sources : Insee – indices des prix à la consommation, a) Ensemble des ménages – France[25]

L’indice global pondère chaque produit proportionnellement à son poids dans le panier moyen d’un ménage. Le poids de la pondération de chaque groupe de produits est censé correspondre à la part des dépenses de consommation d’un consommateur moyen. En 2014, les produits manufacturés étaient pondérés à 25,8 %, l’énergie à 8,2 %, les services à 47,4 %, etc… Tandis que certaines de ces pondérations correspondent à la part de la consommation finale effective des ménages, d’autres n’y correspondent pas. Par exemple, comme la part de la consommation destinée à l’habillement et aux chaussures est de 4 %[26], elle correspond à la pondération de ces dépenses qui est de 4,4 %. La part de la consommation alimentaire étant de 13,4 %, même si elle est supérieure de 3,2 points, sa pondération, qui est de 16,6 %, correspond à ces dépenses. La part allouée au logement, à l’eau, au gaz, à électricité et aux autres combustibles étant de 26,5 %, la pondération de 7,7 % ne correspond pas aux dépenses allouées aux loyers, à l’eau et à l’enlèvement des déchets. Cet écart de 18,8 points peut donc expliquer la perception des ménages qui ont le sentiment que les prix des loyers ont augmenté bien plus vite que l’inflation, qui était seulement de 20,1 % entre 2002 et 2013.

Étant donné qu’il existe 161 groupes de produit, la hausse des prix d’un groupe peut être compensée par la baisse d’un autre sans provoquer l’augmentation de l’indice des prix. Tandis que les prix de l’habillement et des chaussures diminuaient de 0,9 %, ceux des produits frais, dont la pondération est de 2,1 %, augmentaient de 5,3 %. La baisse des prix de l’habillement, qui ne relève pas de besoins vitaux et d’une consommation quotidienne, a donc permis de compenser la hausse des prix de produits frais destinés aux subsistances sans provoquer la hausse de l’indice des prix.

Cette forme de compensation apparaît également entre les produits frais et les produits alimentaires transformés. Tandis que le prix des produits frais, qui sont pondérés à 2,1 %, augmentait de 5,3 %, celui des produits alimentaires transformés, qui sont pondérés à 14,5 %, diminuait de 0,2 %[27]. Si le prix des produits transformés n’avait pas diminué, la hausse des prix des produits frais aurait provoqué une augmentation de l’indice des prix. Entre 2014 et 2015, malgré un taux d’inflation de 0,5 %, le prix des légumes a augmenté de 6,8 % et celui des fruits de 4,8 %[28]. Étant donné qu’une hausse de prix peut être compensée, il est donc possible d’affirmer que, malgré un taux d’inflation de 20,1 %, les prix de certains produits frais et de consommation courants aient pu augmenter entre 50 % et 200 % entre 2002 et 2013.

Le taux horaire du Smic étant indexé sur l’inflation, la loi L141-3 du Code du travail stipuleque lorsque le taux d’inflation augmente d’au moins 2 %, le Smic augmente dans la même proportion. Étant donné que, de 2002 à 2013, l’inflation a seulement augmenté de 20,1 %, soit une hausse moyenne inférieure à 2 % par an, sans les revalorisations du Smic de 5 % accordé par le gouvernement entre 2003 et 2005[28 bis], son taux horaire aurait stagné. À cause de la règle de compensation, d’une pondération inadéquate, des écarts de prix dus à la largeur et à la profondeur de l’offre et de la diversité des prix d’un même produit en fonction des points de vente, le prix des produits alimentaires favorables à une alimentation saine et équilibrée a pu augmenter plus vite que le taux d’inflation. Le Smic étant indexé sur le taux d’inflation, les ménages au Smic, dont la part des dépenses allouées à l’alimentation est la plus élevée, subissent à la fois une hausse des prix des subsistances et une stagnation de leur revenu, qui se traduit par une perte de pouvoir d’achat. Malgré l’abondance de l’offre, les salariés sont contraints de travailler toujours plus pour assurer leur subsistance.

  • Comment réduire les dépenses allouées à l’alimentation ?

Pour réduire les dépenses allouées à l’alimentation, je propose d’intervenir sur les prix et la pondération de l’indice des prix. Avant 1986, les prix étaient régulés par l’Ordonnance n°45-1483 relative aux prix. Grâce à cette ordonnance, les prix des industriels, des commerçants et des supermarchés n’étaient pas fixés librement, mais par des arrêtés ministériels. En abrogeant l’ordonnance de 1945, l’Ordonnance n°86-1243 relative à la liberté des prix et de la concurrence a permis de fixer les prix en fonction de la loi du marché. Afin de réduire ces dépenses, l’État devra abroger l’ordonnance de 1986 pour la remplacer par une nouvelle « loi du Maximum » qui s’inspira de l’ordonnance de 1945. En limitant le taux de marge commerciale à 5 % du coût de production unitaire, en fixant les prix par arrêtés ministériels et en contrôlant la qualité des produits, la « loi du Maximum » permettra de baisser les prix et d’augmenter la qualité des produits.

En fixant et en contrôlant les prix, l’État aura à nouveau une emprise sur l’économie. Pour que ces services aient les moyens de remplir leurs missions, les entreprises devront communiquer les documents relatifs à leur activité : la justification des prix pratiqués, les éléments qui composent le prix et le coût analytiques des biens et services, etc… Les infractions à la législation sur les prix et la qualité seront sanctionnées par des amendes. La « loi du Maximum » s’appliquera à tous les biens et services destinés aux subsistances et à un minimum de confort matériel (alimentation, logement, loyer, factures d’eau, de gaz et d’électricité, transport, santé, etc…). Il est important de préciser que cette loi ne s’appliquera pas aux biens et aux services ostentatoires (iPhone, 4×4, montre, jet privé, yacht, voyages, etc…). Au nom de la « liberté » et de la lutte contre le réchauffement climatique, ces prix seront soumis à la loi du marché et à une « TVA ostentatoire ».

Le revenu optimal étant indexé sur le taux d’inflation, il augmentera au rythme de l’indice des prix à la consommation. Pour que les ménages au revenu optimal ne soient plus pénalisés par un taux d’inflation trop bas, le revenu de référence du calcul de l’IPC sera de 1 150 €. En ce qui concerne la pondération de l’indice des prix, elle devra correspondre à la part de la consommation des ménages. Si la part allouée au logement est de 21,3 %, sa pondération devra être de 21,3 %. Il apparaît également nécessaire de modifier la pondération d’un bien et d’un service en fonction de sa nature : subsistantes (logement, alimentation, eau, gaz, électricité, santé, etc…) ou ostentatoires. Les dépenses allouées aux subsistances étant vitales, la pondération de ces biens et services devra être plus élevée que celle allouée aux dépenses ostentatoires.

En fixant la « loi du Maximum », en limitant la marge commerciale à 5 %, en indexant le revenu optimal sur le taux d’inflation, en calculant l’indice des prix à partir du revenu optimal et en le pondérant en fonction de la part des dépenses de consommation et de la nature des biens et des services, il sera possible d’augmenter le pouvoir d’achat de ceux qui percevront un revenu de 1 150 € par mois. Et cela, sans pénaliser la compétitivité des entreprises.

Après avoir présenté des solutions pour réduire les dépenses allouées à l’alimentation, je propose d’intervenir sur celles allouées au logement.

Comment intervenir sur les dépenses allouées au logement ?

Pour être viable et désirable, le revenu de 1 150 € doit sécuriser les moyens de se loger et de payer les factures d’eau, de gaz et d’électricité. Le graphique ci-dessous présente l’évolution des dépenses et de la part du Smic net mensuel allouée au logement de 1959 à 2013

–  Source : identiques au graphique « Dépenses et part du Smic allouées à l’alimentation et au logement ».

De 1959 à 2013, les dépenses allouées au logement sont passées de 5 € à 385 €. Tandis que le montant du Smic passait de 39 € à 1 121 €, la part du Smic allouée à ces dépenses passait de 12,3 % à 34,3 %, soit une hausse de 22 points. Le montant du Smic ayant été multiplié par 28,7, il n’a pas permis d’absorber la hausse de ces dépenses qui ont été multipliées par 77. En 1982, la part du Smic allouée au logement était de 21,3 %. Pour que le revenu de 1 150 € soit viable, le montant de cette part doit passer de 385 € à 245 €. Avant de proposer des solutions pour la réduire de 36,4 %, je propose d’identifier les causes de la hausse des prix de l’immobilier et des loyers.

  • Quelles sont les causes de la hausse des dépenses allouées au logement ?

Selon une étude de la Fnaim (Fédération nationale de l’immobilier), de 1997 à 2007, le prix des maisons et des appartements a progressé de 142 %[29]. Selon une enquête de l’observatoire du logement datant d’avril 2012, qu’ils soient locataires ou propriétaires, 55 % des Français déclaraient consacrer un tiers de leur budget à se loger[30]. Pour certains experts, la hausse de prix du logement et des loyers est due au manque de logements. En effet, en 2012, des experts et des politiques ne cessaient d’affirmer qu’il manquait 800 000 logements en France[31]. Étant donné que la France manque de logements, sous l’effet de la loi, dite « de l’offre et de la demande », il est normal que les prix de l’immobilier et des loyers augmentent. Pour loger l’ensemble de la population et baisser les prix, des experts estimaient qu’il serait nécessaire de construire 150 000 logements par an.

Avant de construire ces logements, il apparaît judicieux d’effectuer l’inventaire du parc immobilier. Le graphique ci-dessous présente l’évolution du parc immobilier des résidences principales et des logements vacants de 1983 à 2014.

–  Source : Insee, Le parc de logements en France au 1er janvier 2014, Figure 1 – Évolution du nombre de logements par catégorie[32].

De 1983 à 2013, le nombre de résidences principales a augmenté de 40,5 % et de logements vacants de 37,4 %[33]. Si la France avait manqué de 800 000 logements, le nombre de vacants n’aurait pas augmenté, mais diminué de 143 %. Étant donné que le parc immobilier comprenait un excédent de 2,55 millions de vacants, la France ne manquait pas de logements en 2013.

Après avoir montré qu’il ne manquait pas de logement, il apparaît pertinent d’étudier l’adéquation entre l’offre et la demande. Le graphique ci-dessous présente le nombre de ménages, de résidences principales, de résidences secondaires et de logements vacants en 2013.

–  Source : Insee, MEN5 – Ménages par type de ménage et âge de la personne de référence en 2013[34]
–  Source : Insee, Le parc de logements en France au 1er janvier 2014, Op.Cit.

En 2013, la France comprenait 27 806 631 ménages (une personne et plus) et 27 827 000 résidences principales occupées de manière habituelle, soit un excédent de 20 369 logements. Le nombre de résidences principales et de logements vacants étant excédentaire, malgré les 3,15 millions de résidences secondaires, l’offre de logement était supérieure à la demande. En fonction de la loi dite « de l’offre et de la demande », les prix de l’immobilier et des loyers n’auraient pas dû augmenter, mais baisser.

La hausse des prix n’étant pas due à un manque de logement, est-ce qu’elle serait due au coût de la construction ? Si le prix d’un appartement était corrélé à l’indice du coût de la construction[35], sa hausse varierait en fonction de son coût. Le graphique ci-dessous compare l’évolution du prix moyen au m² d’un appartement neuf avec l’indice du coût de la construction de 1985 à 2013.

–  Sources : Lafinancepourtous.com, d’après Insee : SOeS[36].
–  Sources : Insee, Indice du coût de la construction des immeubles à usage d’habitation (ICC)[37].
–  Champ : France métropolitaine

De 1985 à 2013, tandis que l’indice du coût de la construction passait de 847 à 1 615 €, soit une hausse de 90,7 %, le prix moyen du m² d’un appartement neuf passait de 1 268 à 3 884 €, soit une hausse de 206 %. La hausse des prix du marché de l’immobilier n’est donc pas due à la hausse du coût de la construction.

Le coût de la construction n’étant pas responsable, il apparaît pertinent de se demander si cette augmentation ne serait pas due à la hausse du revenu des ménages. Ce graphique de la Caisse d’Épargne, qui date de 2008, présente l’évolution des prix de l’immobilier par rapport au revenu disponible brut des ménages (RDB)[38] de 1936 à 2008.

–  Sources : prix « standard » des logements anciens 1936-2005 en France de J. Friggit ; base BIEN ; INSEE ; estimations CNCE[39]

De 1945 à 1948, le ratio du prix moyen de l’immobilier de la France est passé de 3,5 à 0,5 fois le RDB des ménages. Cette baisse pourrait être attribuée à l’Ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945 qui a permis de bloquer les prix malgré le manque de logements consécutif à la guerre. De 1948 à 1960, ce ratio est passé de 0,5 à 1,5 fois le RDB. La hausse des prix aurait été provoquée par la loi n°48-1360 du 1er septembre 1948[40]. Tandis que cette loi régulait le loyer des logements anciens, elle libérait ceux des logements neufs et rénovés. Motivés par des avantages fiscaux et la liberté des prix, les investisseurs privés ont investi dans la rénovation et la construction de logements neufs. De 1965 à 2000, tandis que ce ratio fluctuait autour de 2,5 fois le RDB en province, celui de Paris a atteint 4,8 fois entre 1986 et 1992, avant de revenir à 3 fois en 1998. La hausse des prix du marché de l’immobilier peut être expliquée par la mise en œuvre de deux lois : l’Ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence et la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986[41]. Tandis que la loi n°86-1290, dite Méhaignerie, permettait de sortie du cadre légal de la loi de septembre 1948 des logements vacants qui n’avaient pas été rénovés, l’ordonnance n°86-1243, dite Balladur, permettait de libérer les prix de l’immobilier. De 2000 à 2008, ce ratio est passé de 2,5 à 4,3 fois le RDB en province et à plus de 5,5 fois à Paris. De 1998 à 2008, tandis que le RDB des ménages augmentait de 36,8 %, le prix moyen des logements anciens augmentait de 141 %[42]. Selon l’Insee, d’une part, le prix des logements anciens a été multiplié par deux, et d’autre part, rapporté au RDB des ménages, l’indice du prix des logements a été multiplié par 1,7 entre 2000 et 2007[43]. De 2000 à 2008, le nombre de logements vacants a augmenté de 6,2 %[44] et le taux horaire du Smic de 34,6 %[45]. Il est donc possible d’affirmer que la flambée des prix de l’immobilier n’a pas été provoquée par un manque de logement et la hausse du RDB des ménages. La cause de la flambée des prix du marché de l’immobilier, qui a débuté en 1986 et qui n’a cessé de s’amplifier depuis 2000, peut donc être, une fois de plus, attribuée à la liberté des prix favorisée par l’ordonnance Balladur de 1986.

Étant donné que les prix de l’immobilier ont été multipliés par deux, comment se fait-il que le taux d’inflation n’ait pas augmenté ? En étudiant la brochure de l’Insee, qui explique le mode de calcul de l’indice des prix, il apparaît que l’achat d’un logement n’est pas considéré comme une dépense de consommation.

« L’indice des prix ne retient pas les remboursements des emprunts liés à l’achat d’un logement. D’ailleurs ceux relatifs aux crédits à la consommation ne le sont pas davantage, car les remboursements d’emprunt relèvent d’opérations financières »[46].

Considérés comme un investissement ou une opération financière, l’achat d’un logement ou les traites mensuelles, qui s’apparentent à un loyer, ne contribuent donc pas au calcul de l’indice des prix. Si l’achat d’un logement avait été pondéré à hauteur de 34,3 %, le taux de l’indice des prix aurait considérablement augmenté. Le taux horaire du Smic étant indexé sur le taux d’inflation, il aurait provoqué la hausse du RDB des ménages. Cette hausse aurait permis au ratio du prix moyen de l’immobilier de fluctuer à nouveau entre 2 et 2,5 fois le RDB. Au lieu de cela, les salaires stagnent et le pouvoir d’achat des ménages diminue considérablement.

Que l’achat d’un logement soit considéré comme un placement financier ne relève pas du hasard. En effet, l’acquisition d’un appartement ne concerne pas que les ménages qui souhaitent accéder à la propriété pour se loger. Il concerne également des particuliers aisés et des investisseurs privés qui souhaitent faire des placements financiers. Au lieu de placer leurs surplus de trésoreries en bourse, ils préfèrent investir sur le marché de l’immobilier qui, à long terme, peut apparaître comme un placement moins risqué. L’investissement locatif permet de se constituer un patrimoine, de diversifier ses placements financiers et d’augmenter ses revenus grâce aux loyers perçus. Comme les prix augmentent, l’investissement locatif est également impacté par la spéculation. Pour générer des profits, les investisseurs doivent commencer par amortir les coûts de l’investissement et des intérêts. Ces coûts étant plus élevés, ils sont donc plus ou moins contraints d’augmenter les loyers.

Un appartement habité ne peut être acheté ou vendu librement. Pour se transformer en produit financier et faire l’objet de spéculation, un appartement doit donc être vacant. Ce processus provoque une augmentation des stocks de logements vacants, et donc, une rareté artificielle de l’offre qui contribue à l’augmentation des prix de l’immobilier et des loyers. Lorsque la demande devient plus importante que l’offre, les prix augmentent. Lorsqu’ils augmentent, les investisseurs privés revendent leurs biens sur le marché immobilier pour réaliser une plus value.

Les salaires n’ayant pas suivi la hausse des prix, l’accès à la propriété pour se loger est devenu inabordable pour les ménages qui disposent d’un revenu médian. Ceux qui souhaitent y accéder sont contraints de s’endetter massivement, et cela, sur plus de 25 ans auprès des banques. Contraint de souscrire un emprunt immobilier, le cadre ne « travaille pas plus pour gagner plus » et améliorer sa qualité de vie, mais pour enrichir les spéculateurs immobiliers et les banquiers. Pour honorer ses échéances et donc, ne pas être expulsé, il est obligé de travailler toujours plus. En souscrivant un emprunt, il perd l’initiative du sens qu’il souhaite donner à sa vie. L’emprunt immobilier peut donc apparaître comme un moyen de pression et de contrôle social indolore, invisible et silencieux des cadres et des classes moyennes qui contribuent à renforcer le pouvoir temporel de l’argent et donc, l’autorité de l’élite économique et des banquiers.

La hausse des dépenses allouées au logement concerne également les loyers. En 2010, une étude de l’Insee affirmait quun locataire du privé sur cinq consacrait en moyenne 30 % de son revenu à se loger[47]. Le graphique ci-dessous présente la part du Smic allouée au loyer d’un appartement de 50 m² en province de 1991 à 2010.

–  Source : Insee, SM02 : salaire minimum de 1951 à 2005 (en euros courants), Op.Cit.
–  Source : Insee, SM01 : salaire minimum pour 35 heures hebdomadaires (en euros courants), Op.Cit.
–  Source : OLAP, Évolution de la hausse moyenne des loyers pour l’ensemble du parc locatif privé[48].

De 1990 à 2010, selon les données de l’OLAP, tandis que le loyer moyen d’un appartement de 50 m² passait de 235 € à 445 €, la part du Smic net mensuel consacré à ce loyer passait de 34,3 % à 42,1 %, soit une hausse de 7,8 points. Le taux horaire du Smic ayant augmenté 88,7 %, la hausse des salaires a juste permis d’absorber la hausse des loyers qui ont augmenté de 89,4 %. Le logement étant un bien économique à part entière, le marché locatif est également concerné par l’ordonnance Balladur de 1986 et donc, par la dérégulation des prix. Les prix étant libres, les propriétaires ont le droit de fixer les loyers en fonction de la loi dite de « l’offre et de la demande ». Il est important de préciser qu’ils ont uniquement le droit de fixer librement le montant du premier loyer. En effet, lorsque le locataire est installé, le propriétaire a le droit d’augmenter le loyer une fois par an en fonction de l’indice de référence des loyers. Par exemple, en 2003, un locataire loue un appartement de 35 m² dans un immeuble privé du centre de Lille pour 350 € par mois. Étant donné que son loyer augmente chaque année en fonction de l’indice de référence des loyers[49], en 2013 son montant aurait été de 410 €, soit une hausse de 17 % sur 10 ans.

En revanche, lorsque le logement est vide, le propriétaire a le droit d’augmenter le montant du loyer en fonction des prix du marché. Si ce locataire avait quitté son logement fin 2012, suite à la hausse des loyers dans le centre de Lille, le propriétaire aurait eu le droit de le fixer à 500 € en 2013. Tandis que sur 10 ans, le Smic augmentait de 31,2 %[50], ce loyer aurait progressé de 42,9 %. Le salaire net d’un smicard étant de 1 121 €, s’il avait souhaité emménager dans le centre de Lille, les dépenses allouées à son loyer auraient représenté 44,6 % de son revenu. Ce qui est vrai à Lille, l’est également dans les grandes agglomérations telles que Paris, Lyon, Nice, Rennes, etc…

Les loyers ayant flambé, comment se fait-il que le taux d’inflation n’ait pas augmenté ? La hausse des loyers n’a pas provoqué celle de l’inflation, car ils sont pondérés par l’indice des prix à la consommation à hauteur de 6 %[51]. Selon cette pondération, un salarié qui perçoit un Smic de 1 121 € paierait un loyer de 67 €. Affirmer qu’un locataire au Smic paie un loyer de 67 € relève d’une erreur de perception de la réalité. En 2010, une étude de l’Insee affirmait qu’un locataire du privé sur cinq consacrait en moyenne 30 % de son revenu à se loger[52]. Malgré ce constat, l’Insee continue à pondérer les loyers à hauteur de 6 %. Le taux horaire du Smic étant indexé sur le taux d’inflation, cet écart de 24 points explique la stagnation des salaires malgré une flambée des loyers. Les ménages les plus modestes, dont la part des dépenses allouées au loyer est élevée, subissent à la fois une hausse des prix, une stagnation du Smic et une baisse de leur pouvoir d’achat.

La principale cause de la mobilité géographique d’un ménage est la recherche d’un emploi. Les populations quittent les campagnes et les régions en crise pour emménager dans les régions (Île-de-France, Rhône-Alpes, etc…) et les grandes agglomérations (Paris, Lille, Lyon, etc…) dynamiques sur le plan économique. Les salaires n’ayant pas suivi la hausse des prix de l’immobilier et des loyers, les ménages au Smic n’ont plus les moyens de se loger dans ces bassins d’emplois. Les loyers du secteur privé étant disproportionnés, 800 000 personnes ne trouvent pas d’appartement pour se loger. Étant donné que le parc immobilier français comprenait 2,3 millions de logements vacants en 2012, au lieu d’affirmer qu’il manque 800 000 logements, il apparaît plus judicieux de préciser qu’il en manque 800 000 à loyer modéré disponible à la location.

L’étude des loyers montre une fois de plus que la hausse du Smic ne sert pas à améliorer la qualité de vie des salariés, mais à financer l’investissement locatif des particuliers aisés et des investisseurs privés. Au même titre que l’emprunt immobilier, la hausse des loyers apparaît comme un instrument de pression et de contrôle social indolore, invisible et silencieux qui contribue à renforcer le pouvoir temporel de l’argent et donc, des banquiers et des milieux d’affaires.

  • Comment diminuer les dépenses allouées au logement ?

Puisque le logement protège du froid et du monde extérieur, il contribue au confort matériel, à l’autonomie et à la dignité de l’existence. Étant l’un des principaux moyens de subsistance, le marché de l’immobilier et les loyers ne doivent plus être soumis à la loi du marché, mais à la volonté des pouvoirs publics. La hausse des dépenses allouées au logement étant due à la dérégulation du marché de l’immobilier, pour les réduire de 36,4 %, l’État doit donc intervenir pour le réguler : interdire la spéculation, la liberté des prix et les placements financiers dans l’immobilier.

La flambée des prix du marché de l’immobilier ayant été favorisé par l’ordonnance n°86-1243, dite Balladur, afin de le réguler, elle sera abrogée en faveur de la « loi du Maximum ». Cette loi permettra de fixer le prix plafond du m² d’un logement par arrêtés ministériels. En 1982, le prix d’un logement fluctuait autour de 2,5 fois le RDB d’un ménage. Pour réduire les dépenses de 36,4 %, le prix plafond d’un logement sera fixé par arrêtés ministériels à 2,5 fois le RDB d’un ménage de deux personnes au revenu optimal. Le revenu optimal étant de 1 150 €, le RDB annuel d’un ménage sera de 27 600 €. Le prix plafond se situera donc autour de 69 000 €. Pour calculer le prix plafond du m², la norme d’occupation de la surface habitable d’un logement sera fixée à 30 m² pour un adulte et à 20 m² pour un enfant. La surface optimale, qui permettra à un ménage composé de deux adultes et deux enfants d’accéder à un niveau de qualité de vie et de bien-être décent, sera de 100 m². Le prix plafond d’un logement étant de 69 000 €, le prix plafond au m² sera donc de 690 € ou 700 € le m² au maximum. Sur les bases de ce prix plafond au m², le prix d’un logement de 50 m² sera de 35 000 € et celui de 150 m² de 105 000 €

Le prix plafond au m² sera réévalué à la hausse ou à la baisse en fonction du niveau de performance énergétique et de rejet de CO2 du logement. En France, le bâtiment consomme 43 % de l’énergie et rejette 1/4 des gaz à effet de serre. Le diagnostic de performance énergétique (DPE) s’inscrit dans le cadre de la politique énergétique définie au niveau européen. En mesurant la consommation d’énergie et les rejets de CO2, le DPE nous informe sur la performance énergétique d’un logement, ainsi que sur son impact sur le réchauffement climatique. Le DPE comprend deux étiquettes (énergie et climat) de sept classes comprises entre A à G[53].

Une étude publiée en juillet 2014, par le commissariat général au développement durable, présente la répartition du parc immobilier français en fonction des classes de logement. Le tableau ci-dessous présente les relevés du DPE qui concernent la performance énergétique et les rejets de CO2 des logements par classe en %.

–  Source : Commissariat général au développement durable, Parc de logement en France métropolitaine, en 2012[54].

Ce tableau fait apparaître que le niveau de performance énergétique et de rejets de CO2 du parc immobilier français est médiocre. En effet, sur le plan de la performance énergétique, tandis que moins de 13 % du parc est composé de logements de classe A, B et C, plus de 87 % sont de classe D, E, F et G. Sur le plan des rejets de CO2, tandis que moins de 33 % du parc est composé de logements de classe A, B et C, plus de 67 % sont de classe D, E, F et G.

N’étant qu’informatif, le DPE ne contraint pas à investir dans la rénovation et la construction d’immeubles à haut niveau de performance énergétique et de rejet de CO2 de classe A et B. Pour que le DPE motive les investisseurs privés à rénover le parc immobilier, la réglementation doit être contraignante. Actuellement, l’État accorde des avantages fiscaux pour motiver les particuliers et les investisseurs privés à investir dans la rénovation. Afin de les inciter à investir, je propose de s’inspirer du principe de la loi n°48-1360 du 1er septembre 1948[55]. Tandis que cette loi régulait le loyer des logements anciens, elle libérait ceux des logements neufs et rénovés. Motivés par des avantages fiscaux et la liberté des prix, les investisseurs privés ont investi dans la rénovation et la construction de logements neufs. Afin de les inciter à rénover, je propose donc de soumettre le prix du m² des logements de classe B, C, D, E, F et G à un tarif dégressif fixé par décrets ministériels, en fonction du niveau de performance énergétique et de rejet de CO2 du logement. Seul le m² des logements de classe A sera soumis à la loi du marché dite « de l’offre et de la demande ». Le tableau ci-dessous propose une grille de prix au m² en fonction de la classe et de la surface.

Puisque le m² d’un logement neuf de classe B sera fixé par arrêtés ministériels à 700 €, le prix d’un appartement de 100 m² sera de 70 000 €. Le m² d’un logement ancien de classe G étant de 150 €, le prix d’une maison de 100 m² sera de 15 000 €. Le prix au m² pourra être réévalué à la hausse par des indices fixés par l’État en fonction de la surface corrigée[56] : la surface habitable réelle, un ascenseur, la localisation, le niveau de confort, la surface du terrain, etc… Étant donné que ces maisons devront être rénové, le prix du m² d’un logement de classe D, E, F et G sera plus bas. Lors de la signature de l’acte d’achat, les mentions suivantes devront apparaître sur le contrat : le montant des travaux de rénovation, le nom de l’entreprise qui s’en chargera et le montant de l’emprunt. Pour les financer, l’État imposera aux banques de proposer des emprunts à taux réduit. Il est important de signaler que la régulation des prix ne s’appliquera pas aux logements de classe A, aux résidences de luxe et aux locaux commerciaux. Au nom de la liberté, le prix de ces biens sera fixé librement en fonction de la loi du marché dite « de l’offre et de la demande ».

Afin d’éviter que des investisseurs privés profitent de la baisse des prix pour s’emparer du parc immobilier, le gouvernement devra également voter une loi qui interdira les placements dans l’immobilier et limitera le nombre de logements autorisés par personne. Un ménage aura le droit d’être propriétaire d’une maison, d’un appartement et de deux résidences secondaires. Les surplus, que le ménage détiendrait, devront être mis en vente. Au lieu de construire 150 000 logements par an, il apparaît plus pertinent de motiver les propriétaires des 2,3 millions de logements vacants à les vendre ou à les louer à des prix régulés. L’augmentation de l’offre de logements favorisera la baisse des prix au profit des ménages qui souhaiteront accéder à la propriété pour se loger. La priorité devra être accordée aux ménages qui souhaitent acquérir leur résidence principale. Si deux ménages convoitent un même logement, celui qui souhaite accéder à la propriété sera prioritaire sur celui qui souhaite acquérir une résidence secondaire. Seuls les surplus de logements vacants pourront être mis en vente sur le marché en tant que résidences secondaires. L’achat d’un logement n’étant plus considéré comme un placement financier, il sera donc pris en compte par l’Insee pour calculer l’indice des prix à la consommation. La part du Smic allouée au logement étant de 21,3 %, en pondérant l’achat d’un logement à hauteur de 21,3 %, le taux de l’indice des prix à la consommation augmentera. Le revenu optimal étant indexé sur le taux d’inflation, il augmentera au rythme de la hausse des prix du logement. La hausse du taux horaire du revenu optimal permettra au marché de l’immobilier de fluctuer à nouveau autour de 2,5 fois le RDB des ménages.

La « loi du Maximum » donnera également à l’État les moyens d’intervenir sur le marché locatif. À partir d’arrêtés ministériels, l’État fixera le prix plafond des loyers. Pour les encadrer, il apparaît pertinent de s’inspirer de la loi n°48-1 360 du 1er septembre 1948 et de la surface corrigée. Le tableau ci-dessous correspond à la valeur locative mensuelle des logements soumis à la loi de 1948 hors de l’agglomération parisienne.

–  Source : Légifrance, Décret n° 2013-863 du 26 septembre 2013 modifiant le décret n°48-1881 du 10 décembre 1948 déterminant les prix de base au mètre carré des locaux d’habitation ou à usage professionnel[57].

Tous les locaux d’habitation ou à usage professionnel qui relève encore de la loi de septembre 1948 sont soumis à des prix fixés par décret. Par exemple, un logement de 70 m² de catégorie III A soumis à la loi de 1948 est de 161 €. L’objectif n’est pas de revenir à la loi de 1948, mais de s’inspirer d’elle pour réguler le prix des loyers en intégrant la performance énergétique et les émissions de gaz à effet de serre.

Actuellement, moins de 1 % du parc locatif est de classe A, moins de 30 % est de classe B et C et plus de 70 % se situe entre la classe D et G. Pour motiver les propriétaires à investir dans la rénovation, les loyers seront soumis à un tarif dégressif fixé par décrets ministériels en fonction de la performance énergétique du logement. Seuls les propriétaires de logement de classe A auront la liberté de fixer les loyers en fonction de la loi du marché. Lorsque l’appartement sera loué, le loyer pourra être augmenté une fois par an en fonction de l’indice de référence des loyers[58]. Ce tableau propose de fixer la valeur locative d’un logement en fonction de sa classe et de sa surface.

Par exemple, en 2003, un propriétaire souhaite louer un appartement de 35 m² de classe D situé dans le centre de Lille. Avec la « loi du Maximum », comme les 10 premiers m² auraient été à 7 € et les 25 m² restants à 4 €, il aurait eu le droit de le louer 170 €. En le louant 170 €, le salarié au revenu optimal de 1 150 € lui aurait consacré 14,8 % de son revenu. Lorsque l’appartement aura été loué, ce propriétaire aura le droit de l’augmenter une fois par an en fonction de l’indice de référence des loyers. L’indice de référence ayant augmenté de 17 % de 2003 à 2013, le montant du loyer de 2013 aurait été de 200 €.

La « loi du Maximum » permettra au salarié qui percevra le revenu optimal d’augmenter son pouvoir d’achat. Sans cette loi, ce même propriétaire aurait eu le droit de louer son appartement 500 €. En payant son loyer 500 €, un salarié au Smic, qui gagne 1 121 € par mois, aurait dû y consacrer 44,6 % de son revenu. Le loyer payé, celui qui travaille 5 jours dispose de 621 €. Grâce à la « loi du Maximum », le loyer de celui qui travaillera 3 jours sera maintenu à 200 €. En payant 200 €, il y consacrera 17,4 % de son revenu. Son loyer payé, il disposera encore de 950 €. L’écart de pouvoir d’achat entre celui qui travaillera 5 jours et celui qui travaillera 3 jours ne sera donc plus de 29 € en faveur de celui qui travaillera 3 jours, mais de 329 €. Le revenu optimal étant indexé sur le taux d’inflation, pour favoriser sa hausse, le taux de pondération des loyers correspondra également à la part de 21,3 % de la consommation moyenne allouée au logement en 1982.

En interdisant de spéculer sur le marché immobilier, en appliquant la « loi du Maximum » à ce marché et aux loyers, en pondérant l’indice des prix à la consommation du logement à hauteur de 21,3 % et en fixant le prix d’achat moyen d’un logement à 2,5 fois le revenu optimal d’un ménage, le prix plafond à 700 € le m² et les prix au m² en fonction de la classe du logement, il sera possible de réduire la part du revenu optimal allouée au logement de 36,4 %. Ces mesures permettront donc aux ménages de retrouver du pouvoir d’achat en travaillant 3 jours par semaine.

Étant donné que moins de 1 % du parc immobilier français est de classe A, l’application de la nouvelle « loi du Maximum » provoquera une baisse importante des prix de l’immobilier et des loyers. Afin de retrouver la liberté de fixer les prix, les investisseurs privés seront fortement motivés à investir dans la rénovation et la construction de logements à haute performance énergétique. Non seulement la rénovation des logements permettra la création de milliers d’emplois, mais en plus, elle permettra de réduire le gaspillage d’énergie, les rejets de gaz à effet de serre et donc, de lutter contre le réchauffement climatique.

  • Comment diminuer les dépenses allouées à l’eau, au gaz et à l’électricité ?

Au même titre que les loyers et les traites, les dépenses d’eau, de gaz et d’électricité font également partie des dépenses allouées au logement. Une personne qui vit seule consacre en moyenne 87 € par mois à ces dépenses. Ce montant représente 7,8 % du revenu d’un Smicard et 7,6 % du revenu optimal. Étant donné que l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 s’applique à ces services, leurs tarifs sont libres. La privatisation d’EDF – GDF, qui a eu lieu le 9 août 2004, a provoqué une hausse des tarifs de l’électricité et du gaz de 23,9 % et de 62 % de 2005 à 2013[59]. Pour réduire les dépenses allouées au logement de 36,4 %, la « loi du Maximum » s’appliquera également à ces services. Qu’un ménage soit sensible ou pas au réchauffement climatique, il est concerné par ses factures d’eau, de gaz et d’électricité. Pour l’inciter à réduire sa consommation et à rénover son logement, l’État fixera une grille de tarification sur trois niveaux qui augmenteront en fonction du niveau d’ostentation de la consommation. La grille de tarification ci-dessous, qui concerne la consommation d’eau, sera adaptée à celle du gaz et de l’électricité.

Le premier niveau est compris entre 0 et 2 m3 par mois et par personne : tarif fixé par arrêtés ministériels en fonction des régions et des zones géographiques et taux de TVA de 5,5 %.

Le second niveau est compris entre 2 et 4 m3 par mois et par personne : tarif fixé en fonction des prix du marché et taux de TVA de 10 %. L’objectif de ce niveau est d’inciter l’usager à baisser sa consommation en étant vigilant.

Le troisième niveau est supérieur à 4 m3 par mois et par personne : tarif ostentatoire fixé en fonction des prix du marché et taux de TVA ostentatoire de 33 %. L’objectif de ce niveau est d’inciter l’usager à prendre conscience de l’ostentation de sa consommation (remplir la piscine, arroser le jardin et laver la voiture chaque semaine, etc…)

Pour obtenir les plafonds des niveaux de consommation d’un ménage, il suffit de multiplier la consommation de référence par le nombre de personnes qui le composent. Le plafond d’un ménage de 4 personnes sera de 8 m3 au premier niveau et entre 8 et 16 m3 au second. Par exemple, un ménage d’une personne consomme 10 m3 d’eau par mois. Le tarif des 2 premiers m3 sera fixé par arrêtés ministériels et la TVA sera de 5,5 %. Les 2 m3 suivants seront fixés au prix du marché et la TVA sera de 10 %. Le tarif des 6 m3 restant sera fixé au prix du marché et la TVA sera de 33 %. Cette grille de tarification récompensera les ménages économes, pénalisera ceux qui ne sont pas vigilants et dissuadera ceux qui ont une consommation ostentatoire. Afin de réduire leurs factures d’eau, de gaz et d’électricité, les ménages seront davantage motivés à être économes et à effectuer les travaux de rénovation de leur logement. En créant des milliers d’emplois, ces travaux permettront également de lutter contre la hausse du chômage. En récompensant les comportements vertueux et la rénovation, la « loi du Maximum » permettra de réduire le gaspillage d’énergie. En permettant de réduire les rejets de gaz à effet de serre, la réduction de la consommation de gaz et d’électricité contribuera également à lutter contre le réchauffement climatique. En se rapprochant de la classe A et B, le parc immobilier provoquera une baisse de la consommation d’électricité. La somme de ces baisses provoquera une diminution de la production d’électricité qui favorisera la fermeture de centrales nucléaires.

Au même titre que la réduction du temps de travail, la régulation des prix de l’alimentation et du logement est favorable aux intérêts des entreprises. En permettant à ces dépenses de diminuer de 23 %, l’État permettra aux salariés qui percevront un revenu optimal de 1 150 € par mois d’augmenter leur pouvoir d’achat sans pénaliser la compétitivité des entreprises.

À l’inverse des idées trop largement répandues par les néolibéraux, contrôler la qualité et réguler le prix des subsistances ne sont pas une idée neuve ou une utopie. En effet, assurer les subsistances au peuple a longtemps été l’une des responsabilités des Rois et des gouvernants.

Jean-Christophe Giuliani

 

Cet article est extrait de l’ouvrage « En finir avec le chômage : un choix de société ! ».  Ce livre permet d’appréhender les enjeux du choix entre la relance de la croissance du PIB ou de la réduction du temps de travail. Vous pouvez le commander sur le site des Éditions du Net sous un format ePub ou Papier.


Pour accéder aux pages suivantes :

– L’historique de la régulation et de la dérégulation des prix des subsistances

La réduction du temps de travail : un choix de société !

– Historique de la réduction du temps de travail.

 – De mai 68 à mai 2018, une révolution silencieuse du rapport au temps.

 

[1] Insee, 2.201 Consommations effectives par fonction à prix courants, [En ligne] (consulté le 28 décembre 2016), https://www.insee.fr/fr/statistiques/2383640?sommaire=2383694

[2] Insee, SM02 : salaire minimum de 1951 à 2005, [En ligne] (consulté le 14 février 2017), https://www.insee.fr/fr/statistiques/2122816?sommaire=2122819

[3] Insee, SM01 : salaire minimum pour 35 heures hebdomadaires (en euros courants), [En ligne] (consulté le 14 février 2017), https://www.insee.fr/fr/statistiques/2122816?sommaire=2122819

[4] Insee, 1.107 Partage de la valeur ajoutée brute à prix courants [En ligne] (consulté le 25 février 2017), https://www.insee.fr/fr/statistiques/2383629?sommaire=2383694

[5] Wikipédia, Salaire minimum interprofessionnel garanti, [En ligne] (consulté le 12 janvier 2019), https://fr.wikipedia.org/wiki/Salaire_minimum_interprofessionnel_garanti. Le Smig fixait un planché minimum au taux horaire de la rémunération de tous les salariés, dont la revalorisation était indexé sur la hausse du taux de l’indice des prix à la consommation.

[6] France-inflation.com, Tableau de l’inflation en France avec inflateur cumulé depuis 1961, [En ligne] (consulté le 6 octobre 2018), http://france-inflation.com/inflation-depuis-1901.php

[7] Insee, 1.107 Partage de la valeur ajoutée brute à prix courants, Op-Cit.

[8] Wikipédia, Accord de Grenelle, [En ligne] (consulté le 6 octobre 2018), https://fr.wikipedia.org/wiki/Accords_de_Grenelle

[9] Légifrance, Salaire minimum de croissance , [En ligne] (consulté le 6 octobre 2018), https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idSectionTA=LEGISCTA000006154055&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=19821113 Article L141-3 : lorsque l’indice national des prix à la consommation atteint un niveau correspondant à une hausse d’au moins 2 % par rapport à l’indice constaté lors de l’établissement du salaire minimum de croissance immédiatement antérieur, le salaire minimum de croissance est relevé dans la même proportion à compter du premier jour du mois qui suit la publication de l’indice entraînant ce relèvement. Article L141-7 : En aucun cas, l’accroissement annuel du pouvoir d’achat du Smic ne peut être inférieur à la moitié de l’augmentation du pouvoir d’achat des salaires horaires moyens enregistrés par l’enquête trimestrielle du ministère du travail.

[10] Insee, 1.107 Partage de la valeur ajoutée brute à prix courants, Op-Cit.

[11] Insee, 1.107 Partage de la valeur ajoutée brute à prix courants, Op-Cit.

[12] Insee, 6.209 Emploi intérieur total par branche en nombre d’équivalents temps plein, [En ligne], (consulté le 17 février 2017) https://www.insee.fr/fr/statistiques/2383648?sommaire=2383694

[13] Insee, 1.107 Partage de la valeur ajoutée brute à prix courants, [En ligne] (consulté le 14 février 2017), https://www.insee.fr/fr/statistiques/2383629?sommaire=2383694

[14] Insee, SM02 : salaire minimum de 1951 à 2005, Op.Cit.

[15] CCI Essonne, Tableau général des charges sociales au 1er janvier 2013, [En ligne] (consulté le 15 janvier 2013), https://www.synhorcat.com/IMG/pdf/Social_du_11.01.2013.pdf

[16] Insee, Salaires dans le secteur privé et les entreprises publiques, [En ligne] (consulté le 18 janvier 2019), https://www.insee.fr/fr/statistiques/1370897

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